Les travaux de la commission Charbonneau et la controverse entourant les débuts de l'industrie des hydrocarbures au Québec se rejoignent sur un point : l'absence de transparence et la faiblesse de nos mécanismes d'accès à l'information ouvrent la porte à toutes sortes d'abus.

Ainsi, notre dite « loi sur l'accès à l'information » empêche la divulgation des avis, recommandations et analyses des fonctionnaires (provinciaux et municipaux) lorsqu'ils étudient un appel d'offres, une soumission ou une demande de certificat d'autorisation en matière environnementale.

Par exemple, on ne peut obtenir les grilles d'évaluation utilisées et les procès-verbaux des réunions tenues par les comités d'évaluation des soumissions ou l'avis des biologistes du ministère de l'Environnement relativement à une demande de construction dans un milieu humide par un promoteur immobilier. Impossible donc de savoir si le maire ou le ministre a choisi une option qui n'était pas celle recommandée et de lui demander de nous expliquer pourquoi il a écarté l'avis des services spécialisés.

Nous payons pour maintenir une fonction publique compétente, mais nous ne pouvons savoir ce qu'elle pense, sauf si le ministre ou le maire en décide autrement. Quand ça fait leur affaire...

De même, les exceptions de la Loi sur l'accès concernant « les renseignements fournis par des tiers et pouvant avoir un impact sur l'économie » empêchent de connaître ce qu'Hydro-Québec a obtenu de Pétrolia pour lui avoir cédé ses droits sur l'île d'Anticosti ou de savoir la composition et les produits chimiques utilisés par l'industrie du gaz de schiste (et du pétrole demain).

Même les conditions d'autorisation d'un projet à la suite des audiences publiques du BAPE peuvent être gardées secrètes si le décret gouvernemental renvoie à des documents fournis par l'entreprise, ce qui est généralement le cas. Il devient alors impossible d'utiliser le droit qui est reconnu à tous au Québec, soit celui de prendre une injonction « pour faire respecter les conditions d'autorisation d'un projet » puisqu'on ne connaît même pas ces conditions! Même les municipalités ne peuvent obtenir les conditions d'autorisation environnementale de projets situés sur leur territoire et il n'est pas surprenant que Gaspé ait récemment décidé d'adopter un règlement municipal visant, entre autres, à obtenir des informations gardées secrètes en vertu de lois provinciales.

Par ailleurs, la Loi sur les mines et la Loi concernant les droits sur les mines contiennent des dispositions qui rendent secrets différents rapports obligatoirement remis à l'État concernant les redevances minières versées ou divers travaux pouvant avoir des impacts environnementaux et sociaux. Impossible de savoir ce qu'une entreprise a versé en redevances et si ce montant est conforme aux exigences de la loi ainsi qu'aux divers discours entendus sur la place publique. Comment tenir une discussion publique intelligente sur ces questions sans un égal accès aux données?

Un gouvernement voulant sérieusement s'attaquer à la corruption et viser une meilleure protection de l'environnement devrait procéder à une profonde réforme de notre loi sur l'accès à l'information et privilégier un égal accès à l'information pour tous. Nos débats publics, nos finances publiques et nos ressources collectives ont besoin de plus de transparence. Le gouvernement, même minoritaire, devrait être capable de faire évoluer le Québec en ce sens. En a-t-il la volonté?