Une jeune femme américaine, dont l'identité a été protégée, vient de terminer des jours horribles à revivre, lors de son témoignage, les atrocités dont elle a été victime dans le pire cas de traite de personnes auquel notre province a été confrontée. Cinq hommes sont accusés de divers chefs d'accusation, y compris de traite des personnes, de proxénétisme, de séquestration et de tentative de meurtre.

La Presse a fourni un compte rendu détaillé et extrêmement graphique des actes de violence sexuelle, physique et psychologique et de menaces extrêmes qu'a subies et endurées Sandy (nom fictif) durant les six mois au cours desquels elle a été forcée à l'esclavage sexuel et criminel par les cinq accusés. La nature des crimes commis et la menace constante de mort (envers elle ou sa famille) en font un cas indéniable de traite de personnes.

Le procès et le témoignage de Sandy se poursuivront dans les semaines à venir, avec assurément d'autres révélations d'une telle gravité qu'elles choqueront non seulement nos sens, mais notre foi en l'humanité. Même si la culpabilité des accusés ne sera déterminée qu'à l'issue du procès, la question plus générale que ce cas soulève est la suivante: que fait le Québec pour lutter contre le trafic d'êtres humains?

La législation contre la traite de personnes fait partie du Code criminel depuis 2002, après que le Canada soit devenu signataire, en 2000, du Protocole de Palerme des Nations unies sur la lutte contre la traite. Depuis lors, un certain nombre de provinces - l'Ontario, le Manitoba, l'Alberta et la Colombie-Britannique - ont adopté des lois ou des politiques pour soutenir cette législation.

Les ministres provinciaux de la Justice, de la Sécurité publique et de la Santé et des services sociaux ont joué un rôle-clé de leadership et de financement pour créer des unités policières spécialisées dans ce type de crime, pour fournir de l'aide aux victimes, et pour former la magistrature. Dans trois de ces provinces, des unités dédiées à la traite de personnes ont été créées avec l'appui des gouvernements locaux.

Malgré le fait que la majorité des jeunes filles leurrées dans le commerce du sexe et des victimes de la traite au Québec soient québécoises, notre gouvernement provincial n'a pas encore fait de la prévention et de la poursuite de ce crime odieux une priorité.

Une consultation communautaire récente a révélé un certain nombre d'éléments nécessaires pour lutter contre la traite des êtres humains au Québec, qui tous s'alignent sur le protocole de Palerme de l'ONU. Parmi les plus fondamentaux:

- Une campagne ciblée de sensibilisation (pour alerter les victimes potentielles de méthodes de recrutement insidieuses employées par les trafiquants);

- Un appui coordonné en faveur des victimes;

- La création d'une unité dédiée à combattre le trafic d'êtres humains.

Pour lutter efficacement contre la traite de personnes au Québec, il est urgent que le gouvernement provincial exerce son leadership sur un enjeu qui ne peut faire que l'unanimité, étant donné sa gravité. Une collaboration des ministères de la Justice, de la Sécurité publique et de la Santé et des Services sociaux permettrait de garantir que les expériences atroces vécues par Sandy n'auront pas été en vain.