Selon une étude récente publiée par la revue jésuite Popoli et émanant de l'institut italien de recherches sur la communication numérique Oogo, le pape aurait reçu, dès son premier mois sur Twitter, plus de 22 500 tweets à contenu négatif. Doit-on s'en étonner?

Évidemment, il faut comprendre que ce ne sont pas tous les tweets reçus qui sont ainsi et qu'un nombre à peu près équivalent sont positifs, selon cette étude. De plus, précisons, à la décharge de Benoît XVI, qu'étant sur un réseau social, ce ne sont pas uniquement ses fidèles qui s'adressent à lui, mais aussi tous ceux qui, à différents degrés et pour différentes raisons, se sont sentis lésés dans le passé par l'Église qu'il dirige. Et ici, il y a, semble-t-il, beaucoup de monde au parloir!

Il faut dire également que le personnage du pape prête facilement aux railleries, ne serait-ce que par son allure extérieure d'une autre époque. On se souviendra à ce sujet comment un dénommé Raël, dans son accoutrement de Capitaine Cosmos, avait attiré l'ire de tout un chacun.

Or, qu'on soit pape ou non, lorsqu'au XXIe siècle, un homme mature de la stature de Benoît XVI se promène dans son riche et immense palais en robe blanche et avec des escarpins rouges aux pieds, le tout surplombé lors de ses sorties d'un chapeau en soie rond à larges rebords et d'une petite cape assortie, on peut s'interroger sur la véracité et la pertinence d'un tel acteur sur un réseau social.

On comprendra qu'avec de tels airs de Sainte-Mère, le Saint-Père ne fait qu'alimenter davantage les sarcasmes au sujet des actes de pédophilie des membres de son clergé. Ne devrait-il pas alors, s'il veut vraiment être au niveau des réseaux sociaux, prendre les devants et se débarrasser lui-même de tout ce fatras d'une autre ère avant que certains malfaisants ne le lui arrachent morceau par morceau sur la place publique en se moquant de lui et de l'Église qu'il représente et défend?

Ce n'est donc pas uniquement au pape lui-même et à ses doctrines que l'on s'attaque sur Twitter, mais également à ce que son apparat symbolise et suggère. En se présentant ainsi, tel un objet de culte bizarroïde sur Twitter, le pape dénature la raison d'être de ces réseaux sociaux, où la convivialité et l'égalité des membres doivent primer.

Tout le protocole papal y apparaît alors comme une pure complaisance narcissique déplacée. D'autant plus, faut-il préciser, que du haut de son statut, Benoît XVI refuse toujours d'utiliser le mode interactif de Twitter en ne répondant jamais directement aux tweets qui lui sont adressés.

Mais sachant que Twitter touche directement plus d'un demi-milliard d'internautes, il reste que cela est sûrement un moyen extraordinaire d'accéder à un immense marché d'éventuels nouveaux fidèles.

L'humilité qu'ambitionne officiellement le pape en rejoignant Twitter est-elle toutefois authentique? Car il est pour le moins curieux de voir celui qui fut pendant 24 ans président de la très sérieuse et autoritaire Congrégation pour la doctrine de la foi (qui s'appelait autrefois l'Inquisition) s'offrir aujourd'hui en pâture sur la place publique pour satisfaire l'appétit du marché de plus en plus compétitif des croyances religieuses.

En se laissant ainsi entraîner par les sbires du Vatican dans pareil exercice de marketing et nonobstant les tweets scabreux qu'il reçoit, le pape n'erre-t-il pas sur Twitter?