Je suis un chercheur qui travaille dans un laboratoire pour comprendre les mécanismes de défense du corps humain. Mon job, c'est d'aider à trouver un traitement pour les patients atteints de la maladie d'Alzheimer. Cette cruelle maladie touche plus de 120 000 Québécois et ce chiffre doublera d'ici 20 ans si rien n'est fait.

Après mon doctorat, je veux faire mon postdoctorat. J'ai 24 ans et sans bourse, je n'y arriverai pas. Si j'ai de la chance, je pourrai mettre la main sur une des 291 bourses d'excellence que le Fonds de recherche du Québec en santé (FRQS) offre aux meilleurs étudiants, mais nous serons plus de 1000 à en faire la demande. C'est loin d'être gagné.

Quand le ministre Pierre Duchesne annonce des coupes de 10 millionsau FRQS, je ne comprends pas. 10 millions, ça représente 85% des bourses de formation comme celle dont j'ai besoin pour faire mon postdoctorat. C'était déjà difficile d'obtenir une bourse. Avec les coupes annoncées, on vient de saccager bien des rêves comme le mien.

Je ne m'excuserai pas d'être doué pour les sciences. Je ne m'excuserai pas de vouloir viser le postdoctorat. Mais j'aimerais bien qu'on soit un peu cohérents. Si on veut valoriser le savoir, l'excellence, investir en recherche et en développement, alors ne coupons pas dans les moyens déjà si limités pour former la relève et soutenir ceux qui font le choix d'atteindre les plus hauts sommets de la formation universitaire.

Je suis un passionné de sciences et je sais que nos travaux font la différence pour des milliers de patients. Mais disons-le: il faut vraiment aimer la science pour aspirer à devenir chercheur. Après 13 ans d'université, si je parviens à obtenir un poste de chercheur, on m'offrira un salaire de 60 000$. Et je dis bien «si», puisqu'avec les coupes annoncées, si on ne coupe pas dans les bourses, ce sera dans les budgets des centres de recherche. Bref, on est coincés de tous côtés.

Le Québec a passé la dernière année à parler d'enseignement. Le PQ a martelé qu'il fallait viser l'excellence, mais à la première occasion, il coupe là où ça fait le plus mal pour ceux qui performent. L'équation s'éclaircit, les étudiants comme moi au doctorat ou au postdoctorat, en sciences de surcroît, nous ne sommes pas les plus bruyants.

J'espère seulement qu'il y a encore une place au Québec pour ceux qui veulent se faire entendre autrement qu'en sortant dans la rue.