Nos universités sont malades. Les grands acteurs du monde universitaire divergent sur les causes, mais s'entendent sur le remède: l'État doit payer davantage.

Si l'industrie de la construction était gérée comme nos universités, nous aurions une industrie financée par l'État où les consommateurs pourraient acheter une maison pour une fraction de son coût de construction!

En 1970, James Buchanan (Nobel d'économie 1986) et Nicos Devletoglou s'interrogeaient sur les universités qui sont financées par l'État et où les étudiants ne paient qu'une fraction du coût de leur formation. En les comparant à une entreprise privée, ils leur attribuaient trois caractéristiques: 1) les propriétaires n'ont aucun pouvoir: ceux qui paient, c'est-à-dire les contribuables, n'exercent aucun contrôle sur la gestion de ces universités; 2) les producteurs n'ont rien à vendre: les professeurs de ces universités n'ont pas besoin de performer pour vendre leurs services; 3) les consommateurs n'ont d'autres choix que de consommer ce qu'on leur offre: les étudiants, qui achètent les services de ces universités à un prix dérisoire, sont incapables d'influencer les services qu'on leur offre.

Si cela est vrai aux États-Unis, imaginez au Québec... où toutes les universités sont lourdement subventionnées par l'État.

Aux yeux de l'économiste, nos institutions universitaires s'apparentent à des organismes à but non lucratif ou des ONG subventionnées: elles sont à la poursuite de rentes de l'État où les acteurs s'activent à préserver leur marge discrétionnaire.

Les rencontres préalables au sommet de février nous en ont d'ailleurs fait une éloquente démonstration.

On y a vu des gestionnaires universitaires jouer les lobbyistes, nier avoir cherché à ponctionner les fonds publics, se défendre d'avoir relaxé leurs règles d'admission et d'avoir multiplié les programmes et les campus pour recruter de nouveaux étudiants afin de gonfler la subvention du ministère par «tête de pipe». Des recteurs qui déplorent le sous-financement universitaire, mais qui se font discrets sur la marge discrétionnaire qui leur a permis de se verser de généreuses augmentations de salaire et des indemnités de départ.

Des fédérations de professeurs qui prêchent les vertus supérieures de l'université publique et qui réclament une charte pour se protéger des «attraits capiteux du moment». Comme si nos universités étaient des tours d'ivoire et que les professeurs avaient besoin de la protection de l'État pour éviter d'être happés par des incitations de producteurs; comme s'il fallait cimenter la liberté des professeurs d'enseigner ce que bon leur semble et les dégager de leur responsabilité d'adapter leur cours aux besoins des étudiants et du marché du travail.

Il ne faut donc pas se surprendre de voir des leaders étudiants - qui, vraisemblablement, n'attribuent pas une très grande valeur à la formation qu'ils reçoivent - investir leurs énergies à se tailler une carrière sur le marché politique en appelant à une révolution dont l'aboutissement serait de reconduire, voire de sacraliser le système qu'ils dénoncent.

Mais où va notre ministre avec son sommet? Tant qu'il persistera à écarter l'option d'une hausse substantielle des droits de scolarité, son sommet restera une table de revendications où les grands acteurs exigeront toujours plus d'argent public pour satisfaire leurs besoins spécifiques. Ce n'est sûrement pas ce que les contribuables - les propriétaires de nos universités - attendent de cet exercice.

Ce n'est que lorsqu'on obligera nos universités à tirer une large part de leurs revenus des droits de scolarité qu'elles seront forcées de faire le ménage dans leurs programmes de formation et de se concentrer sur ceux qui ont une valeur ajoutée pour les étudiants. On stimulera ainsi la concurrence entre nos universités.

Quand une partie importante de leurs revenus sera tributaire de leur capacité à convaincre les étudiants et le marché de l'emploi de la qualité de leurs programmes, nos universités n'auront guère d'autre choix que de viser l'excellence.