À quelques jours de la tenue de la troisième rencontre thématique préparatoire au Sommet sur l'enseignement supérieur, rencontre qui portera sur le financement et la gouvernance des universités, il apparaît important de mettre en relief l'environnement financier instable dans lequel les universités doivent naviguer.

Le 4 décembre, le ministre de l'Enseignement supérieur, Pierre Duchesne, informait les chefs d'établissements universitaires qu'ils devaient réaliser, avant la fin de l'exercice en cours, donc d'ici au 30 avril, des compressions budgétaires de 124,3 millions. Ces compressions n'avaient jamais été portées antérieurement à l'attention des universités par le gouvernement du Québec.

Cette demande gouvernementale survient dans un contexte financier qui en illustre le caractère dysfonctionnel et particulièrement perturbateur pour une bonne gestion des établissements.

- À quatre mois de la fin de l'exercice, alors que le trimestre d'hiver est planifié et que les embauches sont conclues, notamment celles des chargés de cours et du personnel auxiliaire d'enseignement, la marge de manoeuvre restante est à toutes fins utiles inexistante dans la plupart des établissements.

- Environ 80% du budget de fonctionnement des universités est consacré aux dépenses liées à la rémunération, dépenses difficilement compressibles, surtout à court terme, sauf mises à pied, réduction des salaires ou réouverture des conventions collectives.

- Les universités québécoises sont aux prises depuis au moins une quinzaine d'années avec un sous-financement de fonctionnement chronique comparativement aux autres universités canadiennes. Elles gèrent leurs ressources de façon serrée pour maintenir une offre de services, comparable en qualité, à celle des universités mieux pourvues.

Ces compressions sont dramatiques. Elles auront inévitablement un impact sur la capacité des universités à remplir leur mission d'enseignement, de recherche et de création, et de services à la collectivité. Elles placent les universités devant un choix impossible: ou bien rogner de manière importante sur les services, ou alors hypothéquer l'avenir en s'endettant. La plupart des établissements universitaires n'auront d'autre choix que de transférer au déficit de l'année courante la plus grande partie, sinon la totalité de la compression demandée.

Ces compressions sapent le moral de la communauté universitaire et créent un environnement financier instable. Les universités réclament depuis des années non seulement une augmentation de leur financement, mais aussi que celui-ci soit stable et prévisible dans le temps, condition essentielle à une gestion rigoureuse et prudente, et à une planification efficace et réaliste de leur développement.

En 2012, elles ont d'abord élaboré un budget en tenant compte d'une hausse prévue des droits de scolarité de 325$, puis elles ont dû revoir leur budget en fonction d'une augmentation de 254$, et on leur demande maintenant de le revoir de nouveau en fonction d'une compression de 124,3 millions, soit une ponction de 5% de leur subvention annuelle de fonctionnement (qui se traduit dans les faits par une compression de 15% sur les quatre derniers mois de l'année financière).

En décembre, le ministre Duchesne a fait savoir que «dans l'ensemble, le gouvernement a prévu dans le cadre financier du budget 2013-2014 une enveloppe totalisant 1,7 milliard de 2012-2013 à 2018-2019 pour réinvestir dans l'enseignement supérieur». Il s'agit là du cumul des sommes qui devraient être réinvesties au cours de cette période et non pas du réinvestissement récurrent à terme. Les chefs d'établissement universitaire accueillent cette annonce avec prudence, d'autant plus que le montant ne tient pas compte de la compression de 124,3 millions pour l'année en cours, ni de celle anticipée pour 2013-2014.

Si ces compressions devaient être appliquées de façon récurrente à la subvention de fonctionnement des universités, l'importance réelle du réinvestissement annoncé serait considérablement moindre.

Devant cet incessant mouvement contradictoire entre une volonté affirmée de leur accorder les ressources financières adéquates à leur mission et la réalité des compressions qui leur sont imposées, comment les universités peuvent-elles planifier efficacement?