Nous fêterons bientôt Noël. Comme chaque fois depuis quelques années, c'est l'occasion de constater que les Québécois sont divisés quant à la place à accorder à leur héritage catholique. Certains supportent à peine de se faire souhaiter un «Joyeux Noël» jugé trop religieux. D'autres, qu'ils soient croyants ou non, défendent bec et ongles le maintien de la crèche ou des cantiques traditionnels dans l'espace public.    

C'est aussi le temps d'entendre les récriminations habituelles à propos du consumérisme pervertissant l'esprit de Noël. Malgré leur redondance, ces récriminations visent juste: il y a bel et bien plus à vivre pendant cette période qu'une alternance frénétique de courses et de bombances. Pour les chrétiens comme pour toute autre personne.

Du côté des chrétiens, Noël devrait être un moment privilégié pour revivre cet instant de grâce où ils ont été bouleversés par la visite de Dieu dans leur vie. Ce Dieu que l'on s'imagine si aisément lointain, étranger, voici qu'il se présente humblement, amoureusement, aux portes d'une vie humaine. Il ne se lave pas les mains de la souffrance et de l'injustice, mais les assume et se fait réconfortant sans complaisance. «Dieu est amour, Dieu est tout proche... et ça change tout!» Bref, Noël est une invitation, pour le chrétien, à refaire l'expérience de la révélation qui l'a saisi au coeur, et à réorganiser sa vie en conséquence.

Les chrétiens ne sont cependant pas seuls à avoir vécu des expériences si intenses, si lumineuses, qu'elles influent sur le reste de la vie, lui donnent un sens. En les vivant, on se dit: «Désormais, je mènerai ma vie ainsi. Faire autrement, ce serait me trahir.»

Toutefois, le quotidien érode les plus fermes résolutions, et les vents contradictoires animant nos sociétés nous ballotent corps et âme. Notre vie s'éloigne de son centre de gravité. Nous perdons le focus. Nous distinguons moins bien ce que le cinéaste Bernard Émond traque dans tous ses films et qu'il appelle très simplement: «ce qui importe».

Ainsi, le temps de Noël peut être l'occasion d'un réengagement joyeux, confiant, à vivre selon «ce qui importe». Cela seul peut donner, à une vie comme à une société, une identité de forme bien définie, cohérente, inspirante pour autrui.

Par exemple, nous assisterions sans doute à la montée d'une relève politique plus luxuriante s'il était davantage manifeste, aux yeux des jeunes, qu'un politicien n'est pas tant un professionnel des luttes partisanes qu'un être brûlant d'une passion invincible pour l'avenir du Québec. Pour motiver l'engagement, il faut des modèles inspirants.

Comme croyant, j'estime évidemment que ce «réengagement de Noël» donne sa pleine portée quand il s'appuie sur son socle religieux. Noël sans Jésus, est-ce encore Noël? Non. Néanmoins, ce qui est signifié par cette fête concerne chacune et chacun, et je crois qu'à défaut d'être tous engagés dans la même voie, nous gagnons, collectivement, à célébrer la bonne nouvelle qu'un «ce qui importe» existe vraiment, qu'il est inscrit dans notre passé, qu'il interpelle notre présent, et qu'il est garant de notre avenir.