Comme de nombreux Québécois, j'ai eu l'occasion de visiter et d'apprécier à plusieurs reprises le site de Val-Jalbert au Lac Saint-Jean. Au fil des ans, il est devenu l'une des principales attractions du Saguenay-Lac-St-Jean.

La chute de Val-Jalbert est au Saguenay-Lac-Saint-Jean ce que la chute Montmorency est à la région de Québec. Lieu naturel exceptionnel caractérisé par sa chute impressionnante, Val-Jalbert revêt au surplus un caractère historique patrimonial en tant que témoin du développement économique régional au siècle dernier.

C'est pourquoi le projet de construction d'une mini-centrale sur ce site soulève des questions importantes qui méritent d'être débattues par nos élus avant qu'une décision lourde de conséquences ne soit prise.

Il ne s'agit pas de s'opposer à toute forme de développement, bien au contraire, mais de faire en sorte que le développement concilie les impératifs économiques, environnementaux et patrimoniaux.

On peut s'interroger sur les critères d'éligibilité du programme de construction de mini-centrales en région mis de l'avant par le gouvernement précédent, sans lequel le projet de Val-Jalbert n'aurait jamais vu le jour. Le gouvernement pourrait réexaminer les paramètres de ce programme afin d'exclure d'emblée les sites patrimoniaux importants. Le Québec est suffisamment vaste et doté de ressources naturelles pour satisfaire largement ses besoins en énergie tout en préservant ses sites patrimoniaux et récréotouristiques. Pourquoi sacrifier l'un ou l'autre alors qu'il est parfaitement possible d'avoir les deux?

Le programme de petites centrales prévoit que les projets retenus doivent recevoir l'appui du milieu. Or, les nombreuses manifestations d'opposition au projet incitent à penser que le projet ne reçoit pas l'appui du milieu, parmi la population autochtone et non autochtone de la région. Pour ce seul motif, le projet de Val-Jalbert devrait être réexaminé. Une consultation populaire dans la région permettrait de nous donner l'heure juste.

L'objectif avoué du programme de petites centrales est le développement régional. La centrale hydro-électrique de Val-Jalbert assurerait un revenu pour la région et permettrait de rentabiliser le site. Toutefois, le gouvernement reconnaît que le programme de petites centrales n'est pas nécessaire pour assurer la sécurité énergétique du Québec.

En vérité, l'électricité produite à Val-Jalbert coûtera plus cher à Hydro-Québec que le prix qu'elle pourra en tirer à la revente. Ce projet entraînera donc une perte pour Hydro-Québec, ce qui diminuera d'autant les revenus en dividendes versés au gouvernement du Québec par la société d'État.

Bref, en autorisant ce projet, le gouvernement dénaturera un site patrimonial et devra assumer du même coup, par l'intermédiaire d'Hydro-Québec, des pertes d'exploitation de l'électricité ainsi produite, le tout sans création d'emploi (sauf pendant la construction).

Dans ces conditions, mieux vaudrait que le gouvernement verse une subvention directe aux partenaires régionaux équivalant à la perte qu'Hydro-Québec aurait encourue en achetant l'électricité. Le coût serait le même pour le trésor québécois, mais le site serait préservé.

La construction d'une centrale hydroélectrique au beau milieu du site de Val-Jalbert dénaturera le site, affaiblissant à coup sûr son attrait touristique. Il pourrait en découler une baisse de fréquentation et, donc, une baisse des revenus touristiques ce qui, en fin de compte, annulera en partie les revenus additionnels tirés de la vente d'électricité. Bref, la hausse des revenus anticipée risque de ne pas être au rendez-vous.

Le BAPE a appuyé le projet moyennant quelques accommodements mineurs, ce qui permet au gouvernement de lui accoler l'étiquette «verte» ou de «développement durable». Toutefois, il a minimisé l'impact du projet sur la biodiversité.

Le dossier de Val-Jalbert dépasse largement les frontières du Saguenay-Lac-Saint-Jean et interpelle tous les Québécois. Il nous force à nous interroger collectivement sur le type de développement que nous voulons.

Ce dossier représente également un véritable test pour un gouvernement qui se targue d'être progressiste et de favoriser le développement durable.