Avec le « printemps érable » et le Sommet sur l'enseignement supérieur qui en découle, la question de l'accessibilité aux études universitaires est sur toutes les lèvres. Depuis février dernier, le propos a fait couler beaucoup d'encre et les opinions sur le sujet divergent encore. Mais au-delà des ces différences, ce qui frappe, et étonne à la fois,  c'est la manière dont collectivement nous avons simplifié une question pourtant complexe et sommes tombés dans le piège d'une logique binaire - vous êtes pour la hausse, vous êtes  contre l'accessibilité ; vous  êtes contre la hausse, vous êtes pour l'accessibilité.

Le positionnement des parties en présence, fut brutal et absolutiste. Comme souvent dans ce genre de situation, les excès des uns ont mené aux excès des autres, et beaucoup sont devenus sourds et aveugles aux nuances de la question de l'accessibilité.

Qu'ils soient jeunes, adultes ou aînés, les étudiants méritent que dans le ressac du printemps, nous poursuivions la réflexion et engagions une discussion franche sur l'accessibilité. Nous devons explorer des solutions à la mesure de la complexité de la question et avoir la hauteur d'en accepter les constats, si difficiles et dérangeants soient-ils.

Les données de Statistique Canada présentées récemment par le professeur Robert Gagné de HEC montrent qu'il n'y a jamais eu au Québec autant de diplômés universitaires : 16,6% des québécois de 15 ans et plus en 2006 contre 7,1 % en 1981 possédant au  moins un baccalauréat.

Autre, et difficile constat, l'Ontario et la Colombie-Britannique ont vu leur proportion de diplômés s'accroitre davantage qu'au Québec, atteignant respectivement 20,5 % et 19,3 % en 2006. En 1981, c'était 9 % des Ontariens presqu'à égalité avec le 7,1 % des Québécois diplômés. En 1960, les provinces canadiennes étaient quasiment nez à nez.

Tout aussi troublant, l'Ontario et la Colombie-Britannique ont  été plus efficaces à accroître le nombre de leurs diplômés universitaires, en dépit d'une croissance démographie qui a largement dépassé celle du Québec, mais encore et surtout en dépit de droits de scolarité plus élevés et de leur hausse plus importante.

Considérant qu'il faut compter au Québec trois ans pour l'obtention d'un baccalauréat et quatre  en Ontario et ailleurs au Canada, il en coute trois fois plus pour compléter le baccalauréat en Ontario qu'au Québec.

La conclusion s'impose donc : le niveau des droits de scolarité semble avoir peu d'influence sur la participation aux études universitaires des Québécois, des Britanno-Colombiens et des Ontariens. Ce n'est pas la première étude qui le suggère, ici ou ailleurs.

Cet état de fait  n'est pas un constat qu'il faille augmenter les droits de scolarité. Il suggère simplement que le choix de les maintenir à au niveau actuel ou de les éliminer ne constitue pas, à proprement parler, une politique d'accessibilité aux études supérieures. C'est un élément de ce qu'une politique doit contenir. Mais encore et surtout que d'autres mesures semblent plus efficaces pour atteindre l'objectif d'une meilleure accessibilité.

Ce que ces données nous disent, et de manière assez claire, c'est que le Québec a besoin d'un réel débat et d'une véritable politique sur l'accessibilité aux études universitaires. Cette politique ne doit pas s'appuyer seulement sur la question des droits de scolarité. Elle doit élargir sa visée.

Par exemple, une étude récente de l'OCDE sur les aspects du financement des études universitaires suggère que l'accès aux études universitaires est plus clairement corrélé à l'existence de programmes de financement des études (bourses, prêts et remboursement modulé aux revenus) ajustés aux niveaux des droits de scolarité.

Les recherches du  professeur Ross Finnie de l'Université d'Ottawa sur l'accès à l'Université pour les jeunes nous indiquent que les facteurs pertinents sur lesquels nous devons agir incluent, entre autres, l'expérience scolaire initiale à l'école, l'attitude face aux études universitaires et les aspirations des jeunes. Nous pouvons aussi ajouter à ces facteurs la valorisation des études universitaires dans la culture d'origine des étudiants. En fait, toute une série de facteurs culturels sont en jeu dans le choix et l'action d'aller et de demeurer à l'Université. La recherche nous dit que ces derniers sont souvent plus importants que les droits de scolarité comme déterminant à la participation aux études universitaires.

Pour les adultes, les données de la Faculté de l'éducation permanente de l'Université de Montréal identifient comme principale composante des déterminants de participation aux études la pertinence professionnelle des programmes offerts. Ces adultes recherchent des programmes dont l'impact sera immédiat sur leur travail. Ces étudiants adultes placent aussi une grande importance sur les questions d'organisations des études, horaires, formats et modalités d'accès (près de leur domicile, formation à distance, etc.).

Ultimement, une vraie politique d'accès doit réfléchir à l'ensemble de ces facteurs, à les considérer dans le contexte de l'accès aux études pour les jeunes, mais aussi pour les adultes. Si nous voulons rattraper le retard que les données québécoises et canadiennes illustrent, une stratégie d'accès et de financement pour les étudiants adultes à temps partiel est un incontournable.

Dépassons la simple question des droits de scolarité. Parlons d'accessibilité pour les jeunes et pour les adultes. Parlons des rôles qu'il incombe à l'Université de jouer  et cherchons les avenues qui permettront à l'Université de contribuer encore plus au développement d'un Québec prospère et juste.