Depuis des décennies, l'innovation pharmaceutique est porteuse d'avantages considérables pour la santé et l'économie. Les médicaments contribuent à prolonger notre espérance de vie, combattre des centaines de maladies et améliorer notre qualité de vie. Ces avantages se traduisent par des individus en meilleure santé, plus productifs et travaillant plus longtemps, ce qui a des répercussions positives sur l'ensemble de l'économie.

Ces jours-ci, les sociétés d'innovation pharmaceutique traversent la pire période de turbulence de leur histoire. Depuis 2009, l'échéance de nombreux brevets de produits innovateurs majeurs a occasionné des pertes de revenus colossales avoisinant les 6,5 milliards de dollars au Canada.

Au niveau mondial, le nombre de nouvelles entités moléculaires stagne, tandis que les coûts de développement et de commercialisation augmentent de façon exponentielle. La concurrence internationale s'intensifie sans cesse et le contexte réglementaire (approbation, propriété intellectuelle, remboursement) est plus restrictif et incertain que jamais.

Résultat: non seulement l'industrie ne crée plus d'emplois, elle en élimine même par centaines. Alors que 3500 emplois avaient été créés dans le secteur pharmaceutique au Québec entre 1991 et 2006, la tendance s'est carrément inversée depuis, alors que 2800 pertes d'emploi nettes ont été subies de 2006 à 2011, sans compter les autres coupes effectuées depuis un an. Il faut savoir qu'au Québec, la part de ce secteur dans l'économie est deux fois supérieure à son importance dans l'emploi total, ce qui alourdit d'autant le bilan de ces pertes d'emplois.

S'il est possible que les nouvelles mesures annoncées dans le budget du Québec (bonification du crédit d'impôt, enveloppe pour des projets de recherche) contribuent à atténuer cette crise, il demeure que l'abolition de la règle de 15 ans fera mal non seulement à l'industrie, mais aussi à l'économie du Québec. Déjà en 2005, cinq économistes concluaient que l'abandon de cette règle «aurait pour effet de réduire de façon récurrente le PIB réel du Québec de 340 millions de dollars».

Dans un contexte économique difficile et où les enjeux sont nombreux et complexes, il faut souhaiter que les décideurs publics travaillent de concert avec les entreprises novatrices afin d'améliorer leur environnement légal, fiscal, économique et réglementaire. Dans l'élaboration de ces réformes, ils devraient considérer l'ensemble des avantages et coûts économiques liés à ces innovations pour la société, et non pas les seules entrées et sorties d'argent pour l'État.

Cela étant, malgré les bienfaits considérables que génère l'innovation pharmaceutique pour nos sociétés, certaines perceptions incorrectes subsistent, incluant les deux suivantes qu'il vaut la peine de rectifier.

Mythe 1: les coûts en médicaments explosent et sont la principale source de hausse des coûts en santé. La réalité est exactement l'inverse. Selon le Canadian Health Policy Institute, les médicaments innovateurs sont l'item ayant augmenté le moins dans les budgets en santé depuis 2004-2005. Aussi, les médicaments ne représentent que 8% du budget total de la santé, dont environ 60% en nouveaux produits et 40% en génériques. Également, les prix des médicaments innovateurs au Canada sont moins élevés que les prix moyens et médians internationaux et ont diminué en termes réels depuis 1988.

Mythe 2: la croissance des dépenses en médicaments est beaucoup plus rapide que celle de l'économie. Si cela était vrai jusqu'en 2003, cette tendance est maintenant à la stagnation et pourrait même s'inverser sous peu. La perte des nombreux brevets, l'utilisation accrue des produits génériques et les nouvelles règles sur les prix de ces génériques contribueront à limiter cette croissance pour encore quelques années.