Depuis 2004, selon ce qui a été dit à la commission Charbonneau, la Ville de Montréal sait qu'elle paie environ 35% plus cher pour ses travaux d'infrastructure. Et pourtant, elle continue d'accorder des contrats aux mêmes entrepreneurs et aux mêmes prix. Pourquoi n'a-t-on pas pris une pause et revu les façons de faire? Où était l'urgence?

C'est ici que l'on retrouve le chaînon manquant: les subventions gouvernementales, autant fédérales que provinciales.

Depuis une décennie, nos gouvernements fédéral et provincial ont instauré des programmes de subvention pour infrastructures vieillissantes. Ces programmes ont des dates butoir. Si les villes n'exécutent pas les travaux avant ces dates, la subvention s'envole et ne revient pas. Ainsi, il n'est donc pas question pour les villes de retarder d'une année tout projet qui risque de ne pas être complété avant la fin de l'échéance de la subvention.

Et, au Québec, lorsqu'il est question de temps, il faut ajouter les quatre mois d'hiver et deux mois pour les délais administratifs et techniques encourus pour revoir le projet. Il est possible que, pour obtenir sa subvention annuelle, la ville manque de temps pour compléter le projet.

Pour la ville, quelle est la conséquence? Même à 135% du prix normal, son coût réel n'est que de 45% de la somme puisque les subventions gouvernementales paient les 90% restants (deux tiers). Elle risque donc de voir son coût remonter. Logiquement, la ville choisit de payer 45% plutôt que de payer de 100 à 135%. Donc, elle accepte le prix gonflé, parce qu'elle n'a pas le choix, sinon elle va perdre sa subvention équivalente aux deux tiers du coût.

À qui alors revient la responsabilité d'arrêter ce projet pour cause de coûts élevés? Nous ne pouvons que nous tourner que vers les deux gouvernements fournissant les subventions. Commençons par le fédéral: le gouvernement pourrait comparer les coûts par ville, par province, par type de travaux, afin de vérifier et guider les donneurs d'ouvrage. C'eût été utile dans le cas de Montréal, mais il semble que ça n'a pas été fait.

Mais au Québec, le fédéral verse sa part de subvention et laisse le provincial faire la vérification plus sérieuse. Cette tâche est confiée au ministère des Affaires municipales. Ce ministère aurait dû s'apercevoir que les coûts n'étaient pas satisfaisants et ne pas accorder de subvention, quitte à retarder les échéances. Alors, qui n'a pas voulu retarder les échéances de ces programmes? Il n'y a qu'une réponse possible: la politique pancanadienne.

Mais alors pourquoi notre gouvernement provincial a-t-il accepté cet état de fait? Tout simplement parce que ces programmes sont conjoints avec le fédéral et les autres provinces. Le Québec risque lui aussi de perdre sa quote-part de subvention s'il ne se conforme pas aux dates butoir convenues avec le fédéral et les provinces.

Voilà, on tourne en rond. Nous sommes coincés dans un cercle vicieux que personne ne peut arrêter, et des sommes colossales s'envolent en fumée.

Et pourtant, à la base, les projets de rue ne sont-ils pas de compétence municipale et payés par des contribuables? Que font les gouvernements supérieurs dans les champs de compétence municipale?

Si la Ville de Montréal était la seule responsable de ses projets, alors tout ce gâchis ne serait pas arrivé. La ville n'aurait pas accordé de contrats aux prix demandés et aurait normalement revu ses façons de faire. On a pelleté le problème dans la cour du voisin. Les taxes fédérales subventionnent les taxes provinciales qui subventionnent la fiscalité municipale. Un bel exemple de fouillis gouvernemental.

Il faut que chaque niveau de gouvernement respecte le champ de compétence des autres, ne s'en mêle pas et abandonne le champ de taxation à l'autorité concernée. Les villes doivent accepter les responsabilités qui leur sont dévolues et ajuster leur fiscalité en conséquence.