Vendredi 4 mai 2012. Il est 13h45. Je mange rapidement sur le coin de mon bureau. Le téléphone sonne. C'est Jean-François. Il vient de recevoir «l'appel». L'appel qu'on attend depuis 36 mois. L'agence d'adoption vient de lui annoncer que nous allions avoir un petit garçon! Enfin!

Il y a 36 mois que notre dossier a été accepté par les autorités philippines. Trente-six mois qui succèdent à plusieurs années d'essais infructueux pour avoir un bébé. Soudain, tout ça est oublié. La barrière que je m'étais construite pour passer à travers vient de céder. C'est la joie, les rires, les larmes. C'est le plus beau jour de ma vie. Dans quatre mois, nous pourrons aller chercher notre fils et enfin le prendre dans nos bras.

Puis, le 6 juin, à peine un mois plus tard, on nous apprend que ce ne sont pas trois mois d'attente qu'il nous reste, mais plutôt huit mois, peut-être plus. Les raisons expliquant l'explosion soudaine des délais ne nous sont pas communiquées. Nous frappons à toutes les portes. Envoi de lettres aux députés fédéraux conservateurs du Québec, lettre au ministre de l'Immigration, Jason Kenney. Chaque fois, même réponse laconique: c'est triste, mais il faut respecter les procédures. Je veux bien. Mais pourquoi ces procédures, qui prenaient jusque-là de trois à quatre mois, vont-elles, du jour au lendemain, en prendre neuf?

Nous en sommes aujourd'hui à six mois d'attente. L'enfant qu'on nous a proposé le 4 mai avait 13 mois. Aujourd'hui, il a 18 mois. Nous avons été informés il y a un mois que notre fils avait passé ses examens médicaux le 12 septembre. Depuis, pas de nouvelles. Dossier confidentiel!

Nous avons demandé à notre député de vérifier l'état de traitement de notre dossier et on lui a répondu que le dossier était à Paris et qu'il ne serait de retour à l'ambassade du Canada à Manille que dans trois mois. Quoi? Un nouveau délai? Jusqu'à tout récemment, cette étape prenait de deux à trois semaines. Ce sont donc trois mois qui s'ajoutent aux cinq mois d'attente déjà écoulés.

Ce n'est pas du retard dans la date de livraison d'une voiture dont on parle, mais d'un enfant dont on s'est engagé à prendre soin. Chaque mois qui passe occasionne des retards dans le développement physique et mental de notre enfant. Sans parler que cette situation est insoutenable! Comment peut-on imposer une telle épreuve à des parents?

«Comment fais-tu pour passer à travers?» Question récurrente. Je me la pose aussi. Ce que je croyais être enfin l'aboutissement d'un rêve prend chaque jour un peu plus les allures d'un cauchemar. Le plus dur, c'est de ne jamais avoir de réponses à nos questions. Personne ne peut nous renseigner. Personne ne semble savoir ce qu'il advient de notre enfant. Quel est son état de santé? A-t-il commencé à marcher? Quels sont les mots qu'il prononce? Tout va si vite à cet âge. On nous prive de tous ces moments... C'est insupportable!

Dans le processus de demande d'adoption, nous sommes soumis à une batterie de tests et d'intrusions dans notre vie privée. Nous sommes examinés de fond en comble. Tout ça, pour le bien de l'enfant. Mais après ces mois d'attente, je me demande qui, à part les parents adoptifs, a à coeur le bien de l'enfant...