J'ai milité pour la reprise des cours. Ce fut un processus excessivement frustrant dû au non-respect du vote associatif pour la reprise des cours et au non-respect des injonctions. Malgré tout, je suis bien mal à l'aise en lisant le jugement pour outrage au tribunal contre Gabriel Nadeau-Dubois.

Je ne parle pas seulement du fait que le jugement puisse donner l'impression au public qu'il s'agit d'une décision politique plus que juridique visant à se servir d'un symbole du mouvement étudiant comme bouc émissaire. Mon malaise provient avant tout du fait que si l'on se fie à la décision, annoncer dans l'espace public que l'on croit que le piquetage puisse être un moyen de contestation légitime, c'est aller à l'encontre d'une injonction.

Il ne faut pas se méprendre, je crois que les injonctions auraient dû être respectées ou bien contestées par la voie des tribunaux. Je crois que les étudiants qui sont rentrés masqués dans mes cours de droit sont ceux qui devraient être traînés en justice.

Par contre, pour ce qui est du jugement, interpréter les mots «je crois» comme un synonyme de «nous devons» ou «je vous incite à» est une interprétation beaucoup trop large qui donne l'impression que le système de justice persécute l'un des emblèmes du mouvement étudiant. Donner son opinion en public peut bien entendu influencer certaines personnes, mais le simple fait de dire «je crois» veut-il forcément dire que l'on enjoint des personnes à se joindre à une cause?

Il y a une panoplie de sujets sur lesquels je peux être en désaccord avec des gens. Il y a beaucoup de gestes et d'idéologies que je tolère difficilement, mais tant que ces gestes et ces idéologies n'incitent pas à la haine ou à la violence, ce n'est pas aux tribunaux de censurer ce qui est du débat public.

Oui, je me présenterai sur les tribunes pour parler de l'accès à l'éducation, mais aussi du droit des étudiants d'assister à leurs cours. Et oui, je soutiendrais le fait de traduire en justice des gens masqués venant sauter sur des pupitres pour faire cesser l'enseignement d'une matière malgré une injonction.

Mais appuyer le fait de condamner au criminel une personne disant «moi, personnellement, je ne suis pas d'accord», c'est bafouer complètement notre droit à la liberté d'expression. Aujourd'hui, des personnes se réjouiront de la condamnation de GND. Pas moi. Car suivant cette voie, qui vous dit que ce ne sera pas vous ou moi que les tribunaux censureront pour des raisons politiques lorsque viendra le prochain débat sur la souveraineté, les accommodements raisonnables ou l'exploitation de certaines ressources naturelles?

Dans les cas où les paroles n'incitent pas à la violence ou à la haine, voulons-nous vraiment vivre dans une nation où les mots «je crois» peuvent entraîner des poursuites criminelles?

Peu importe votre allégeance dans le conflit étudiant, je vous invite à y réfléchir.