On parle beaucoup d'Amanda Todd depuis quelques semaines, mais on s'est empressé de faire dévier le sujet sur les réseaux sociaux, cachant ainsi la forêt derrière l'arbre.

Le fait est que cette pauvre jeune fille se soit fait intimider, manipuler, agresser et finalement - j'ose le dire -, tuer par des gens sur des réseaux sociaux ne signifie pas que l'intimidation et le harcèlement sexuel soient des phénomènes propres aux réseaux.

Amanda Todd aurait pu vivre chose semblable il y a 10 ans. Les réseaux sociaux ne sont que des outils et des «lieux» plus favorables à ce genre d'actes, mais qui prennent assise dans des phénomènes sociaux beaucoup plus anciens.

Quand j'étais plus jeune - je n'ai que 26 ans -, une fille qui n'avait pas de relations sexuelles était une sainte-nitouche, une femme qui méritait qu'on l'intimide et qu'on l'insulte. Et quand elle avait des relations, elle était une salope qui méritait encore plus qu'on l'insulte.

Pute ou sainte-nitouche, on n'avait qu'à choisir entre les deux, parce que les garçons, il faut bien l'admettre, avaient besoin d'identifier négativement la femme pour pouvoir se forger une identité positive. Aucun parent ne veut admettre qu'encore aujourd'hui, les garçons et les filles établissent encore leur identité en étant négatifs par rapport à l'Autre.

C'est seulement des années plus tard que les hommes apprennent à considérer les femmes avec plus de respect. Humilier une femme mentalement ou physiquement semble être un passage obligé pour devenir un homme, que ce soit en réalité ou en apparence.

J'ai entendu des tas de jeunes hommes se vanter de presque violer leur blonde alors que celles-ci n'avaient que des bons mots à leur égard! Faut le faire! Ce n'est tellement pas viril de dire qu'on a fait l'amour avec quelqu'un qu'il faut se vanter de l'avoir forcée. Tous les garçons riaient, ils riaient jaune, mais ils riaient!

Et les filles? On n'est pas mieux. Soit on se range du côté des agresseurs, soit on se fait victimes. Les rôles dont on a hérité de nos ancêtres nous collent à la peau: l'homme protège ou domine, la femme se soumet ou se fait victime. Et cela, non pas parce qu'ils sont instinctifs, ces rôles, mais parce qu'on s'est convaincu qu'ils l'étaient, tantôt par l'histoire, tantôt par la biologie.

L'homme qui a ainsi harcelé Amanda Todd s'en est sûrement vanté à plein d'autres hommes qui, approuvèrent ou n'approuvèrent pas, se sont tus, ou ont rabaissé la jeune fille parce que... c'est ça que ça fait un homme.