Dans la scène finale du film The Candidate (États-Unis, 1972), le personnage principal, candidat au poste de gouverneur de Californie et incarné par Robert Redford, se retrouve dans une chambre d'hôtel tout de suite après sa victoire et demande à son chef de campagne: «Marvin... Qu'allons-nous faire maintenant?»

Adolescent à l'époque où j'ai visionné ce film pour la première fois, il m'a laissé une profonde impression. Cette phrase était symbolique de ce que la politique était devenue, soit tout simplement une façon de mettre en marché des individus afin de gagner des élections, point à la ligne, et non de les faire élire afin de servir le bien commun.

J'ai vécu aux États-Unis au début de l'ère Clinton et j'ai constaté comment la «politique marketing» avait alors évolué vers une polarisation extrême entre deux camps où l'important n'était pas de débattre des mérites de différentes options de société, mais bien de démoniser à outrance l'adversaire et sa position.

Dans ma grande naïveté, je croyais que ce phénomène ne pourrait jamais arriver au Québec. J'entretenais alors la douce illusion que ce genre de politique ne franchirait jamais nos frontières. Notre malheureux «printemps québécois» ainsi que la succession récente d'annonces intempestives et irresponsables de la part du gouvernement minoritaire du Parti québécois m'ont convaincu que nous aussi étions maintenant atteints de ce cancer.

Lorsqu'un ministre des Finances dit avec un visage empreint de gravité et d'attitude bien-pensante que les 4,1% de Québécois payant 40,8% des impôts au Québec devraient «faire leur part», comment peut-on être surpris que cela engendre des attitudes de mépris chez les «pauvres» envers les «riches», et chez les «riches» envers les «pauvres»?

Lorsqu'une ministre de l'Éducation affirme avec le plus grand sérieux que la langue parlée par 10% de la population du Québec est une « langue étrangère», comment peut-on être surpris que cela engendre des attitudes de mépris chez les anglos envers les francos, et chez les francos envers les anglos?

La même ministre, en voulant forcer les écoles les plus performantes du Québec à abaisser leurs exigences pédagogiques sous peine de perdre leurs subventions, a réussi à créer une nouvelle confrontation jusqu'alors inconnue au Québec entre les «pour» et les «contre» l'école privée».

Gouverner en opposant des groupes l'un à l'autre n'est pas une façon de régler des problèmes afin de faire avancer la société. Cela provoque plutôt le sentiment qu'il ne peut y avoir de solution à un problème et que cette impasse est nécessairement la faute de «l'autre». L'espoir n'est plus au rendez-vous et les parties ne font que s'enfoncer encore plus dans la pensée unique.

Les péquistes courtisent avidement la gauche en tapant sur l'élite, les libéraux continuent de nier qu'il y a de la corruption en politique et dans le domaine de la construction, et les caquistes veulent «couper dans le gras».

Divide et impera, disait Machiavel. Divise et tu régneras!

C'est un véritable cancer qui ronge maintenant le Québec et qui nous empêche de rechercher des solutions novatrices et durables. La confrontation ne fait que générer des barrières avec pour résultat la création de camps retranchés fermement derrière une attitude belliqueuse et revancharde.

Quand verrons-nous le jour où une formation politique se présentera au Québec avec un message d'espoir et non un message diviseur? Quand verrons-nous le jour où les politiciens auront comme objectif de travailler pour le bien commun plutôt que d'être en politique pour se faire élire et enfler leur ego avec l'exercice du pouvoir? Quand verrons-nous des politiciens au Québec dire «travaillons ensemble pour faire de ce merveilleux territoire un endroit où il fait bon vivre»? Quand verrons-nous des politiciens au Québec dirent «travaillons ensemble pour créer de la richesse (intellectuelle, culturelle, et pourquoi pas, monétaire)»? Quand cesserons-nous de dire «on ne peut pas avancer ce dossier» pour commencer à dire «comment peut-on faire avancer ce dossier»? Quand verrons-nous le Québec devenir une province où l'on veut immigrer plutôt que la province que l'on veut quitter?

N'est-il pas temps de dire «faisons plus de riches et moins de pauvres» plutôt que de se retrouver à faire plus de pauvres et moins de riches?