L'une des principales qualités d'un bon leader est la clairvoyance. La personne clairvoyante est perspicace et possède un jugement sain. Elle anticipe les conséquences possibles des gestes qu'elle entend poser et des actions qu'elle entend prendre.

Lorsque le Parti libéral du Québec a exigé que les ministres du gouvernement récoltent chacun 100 000$ par année pour aider au financement du parti, on peut se demander où était la clairvoyance. À l'époque, les ministres auraient dû eux-mêmes s'inquiéter de cette exigence de financement et plutôt que de s'en remettre à on ne sait qui, ils auraient dû, s'ils avaient été clairvoyants, anticiper comment la cueillette d'une telle somme pouvait se concrétiser et quels dérapages pouvaient survenir.

Exiger d'un ministre qu'il recueille 100 000$ par année dans la population est une commande importante. Il existe plusieurs façons de récolter la somme: organiser soi-même les activités de financement, avec le coût en temps et en argent que cela peut représenter, ou faire organiser l'activité. Une fois que le choix est fait de confier à quelqu'un d'autre la commande, une personne clairvoyante voudrait s'enquérir de la stratégie qu'on utilisera et de la logistique à laquelle on aura recours pour s'assurer que tout est fait dans les règles. Un ministre avisé et clairvoyant demandera à son chef de cabinet de s'en enquérir et de lui faire rapport. À moins que l'on ait décidé qu'on ne voulait pas savoir.

Au niveau de la stratégie, on peut envisager organiser 10 activités à 10 000$. Ce qui est long et fastidieux. On peut aussi organiser une seule activité à 100 000$. C'est plus simple et cela requiert moins d'efforts. Or, pour recueillir 100 000$, on peut vendre des billets à 10$ si on veut faire une activité populaire. C'est 10 000 billets qu'il faut vendre. Si l'on veut sauver temps et argent, il faut plutôt s'orienter vers la vente de 100 billets à 1000$, voire mieux: 50 billets à 2000$. Mais voilà, il faut trouver 50 personnes prêtes à débourser 2000$.

À cet égard, on peut opter de faire appel à des gens fortunés ou de chercher un autre stratagème. Des bureaux de professionnels pourraient être mis à contribution. Il faut quand même trouver 50 professionnels qui devront débourser chacun 2000$ et ce, pour l'activité de financement d'un seul ministre. Il y en a une vingtaine. Mais, si pour faciliter la chose, on leur dit que cette somme leur sera remboursée, cela devient intéressant. Encore faut-il trouver 50 personnes.

Alors on ratisse l'entourage et on réussit à trouver 50 prête-noms, des personnes à qui on remet une somme de 2000$ pour qu'elles puissent faire un chèque au même montant afin de payer le billet d'entrée. Les prête-noms ayant payé le billet n'ont aucun intérêt à se présenter à l'activité. Alors, on invite des élus et des entrepreneurs qui, eux, ont tout intérêt à entrer en contact avec le ministre présent lors de l'activité.

En l'espèce, que l'activité de financement organisée pour le compte d'un ministre soit légale ou illégale a son importance. Mais encore plus importante est la conduite adoptée par le ministre qui, par naïveté ou aveuglement, ne fait pas preuve de clairvoyance en la matière et ne cherche pas à savoir si tout est fait dans les règles. Pour un citoyen, ce désintéressement de la chose est inquiétant, car rien ne lui dit que, dans l'avenir, face à des situations similaires, on n'aura pas le même type de comportement, soit celui d'une personne qui se dit intègre, mais qui ne veut rien savoir des modalités utilisées pour amasser une somme considérable dans l'espoir qu'il ne sera pas imputable d'un quelconque dérapage qui pourrait survenir.

Est-ce vraiment le type de ministre que l'on veut, un ministre au leadership brumeux?