Le maintien de la contribution santé rendue « progressive » et financée par une légère hausse d'impôt, tel qu'annoncé par le ministre des Finances, sera bien moins dommageable pour l'économie que les fortes hausses d'impôt promises au départ.    

Cependant, même si le gouvernement a grandement amélioré son plan fiscal, reste que la hausse du plus haut taux d'imposition - qui atteindra environ 50% sur chaque dollar gagné au-delà de 100 000 $ - est une mauvaise politique économique. Alors que l'économie tourne au ralenti, le moment semble bien mal choisi pour lui mettre des bâtons dans les roues. Paradoxalement, lorsque les recettes de la hausse d'impôt s'avèreront moindres qu'anticipées, on attribuera ce manque à gagner à la faiblesse de l'économie.

Commençons par les bons coups. L'abandon des modifications aux règles touchant les dividendes et les gains en capital préserve la nécessaire neutralité fiscale qui existe entre les revenus tirés d'entreprises incorporées et ceux de travailleurs autonomes et de sociétés en nom collectif . On évite ainsi que la fiscalité influence à outrance le choix de la structure juridique d'une entreprise et ses objectifs de croissance.

Pour ce qui est du taux d'imposition s'appliquant en haut de l'échelle des revenus, l'augmentation annoncée de 1,75 % est plus faible que les 4 et 7 % qui avaient été promis, et son application vise environ deux fois plus de contribuables. Ces modifications diminuent considérablement les risques de provoquer un désastre financier.

En fait, si l'on regarde la catastrophe que fut la tentative récente du Royaume-Uni de faire payer ses « riches », on pourrait même dire que le ministre des Finances a évité le pire. Au printemps 2010, le gouvernement britannique fit passer son plus haut taux d'imposition sur le revenu de 40 à 50 % dans l'espoir de réduire son déficit budgétaire. Que s'est-il passé? Le revenu imposable déclaré des contribuables visés par la hausse a plongé du quart. Selon le gouvernement, les recettes de la hausse furent possiblement négatives.

Deux ans plus tard, au printemps 2012, le gouvernement a fait volte-face et réduisit son taux de 50 à 45 % en prévoyant que cette baisse d'impôt ne coûtera finalement à peu près rien au trésor public. Mais plusieurs observateurs soutiennent qu'il sera difficile de réparer à court terme les dommages infligés à l'économie britannique, car les coûts liés à la planification fiscale ont déjà été engagés. Par exemple, les personnes qui ontémigré hors du pays depuis l'augmentation du taux d'impôt pourraient décider de ne pas revenir après la réduction d'impôt. De même, certaines personnesqui ont choisi de prendre leur retraite plus tôt en réponse au taux d'impositionpeuvent décider de ne pas retourner au travail même si le taux d'impositiontombe.

L'expérience du Royaume-Uni démontre que les gouvernements doivent faire preuve d'une extrême prudence lorsque les augmentations d'impôt sont substantielles ou que les taux d'impôt sont déjà très élevés.  Au Québec, les 10% des individus disposant des plus hauts revenus supportent 60 % des recettes nettes de l'impôt provincial, et le régime fiscal est plus progressif dans son ensemble que celui des autres provinces.

La « mince » hausse de 1,75 % du taux d'impôt n'entraînera vraisemblablement pas d'impacts catastrophiques, mais on peut s'attendre à court terme à une diminution d'au moins 1% du revenu imposable des contribuables visés, amputant l'assiette fiscale de plus de 500 millions $ à court terme.  Je prévois que le gouvernement ira chercher environ 250 millions $ avec la hausse du taux d'impôt, soit 80 millions $ de moins que la projection du gouvernement.

L'objectif des réformes proposées est de rendre le régime fiscal encore plus égalitaire. Cependant le moyen choisi, soit la hausse du taux marginal, est généralement inefficace à des niveaux d'impôt aussi élevés et risque donc d'être plus coûteux pour l'économie du Québec que les bénéfices que l'on en retire à la marge. Espérons que le jeu en vaille la chandelle.