Je n'avais jamais mis les pieds dans un CHSLD avant la semaine dernière. Bien évidemment, je savais que sous l'appellation «centre hospitalier de soins de longue durée», il fallait comprendre que ces endroits sont en fait des mouroirs pour personnes âgées et malades. Je savais aussi que vivre dans ces endroits n'est pas une partie de plaisir et que les gens qui y travaillent doivent composer avec des ressources plus que réduites par rapport à la tâche colossale qui est la leur.

Je m'étais donc préparée à cette visite que je devinais difficile, mais jamais je n'aurais pu imaginer qu'il puisse exister en 2012 dans notre Québec moderne des situations aussi choquantes et inexplicables que celle que je m'apprêtais à découvrir.

Dans un CHSLD de Laval, dans une minuscule chambre du troisième étage, séjourne une femme de 32 ans. Cette jeune mère de deux enfants a été foudroyée en 2007 par un cancer rare de la moelle épinière qui l'a rendue complètement dépendante des autres du jour au lendemain. Elle est paraplégique, incontinente, ostéoporotique. Cette ex-enseignante au primaire est brillante, vive et alerte, avec toute sa tête, et surtout tout son coeur et ses émotions. Elle est pourtant seule et sans ressources, et elle ne voit plus de lumière au bout du noir tunnel dans lequel l'a plongée la maladie.

Elle a frappé à toutes les portes, mais sans succès. Pourtant, la seule chose qu'elle demande, c'est d'avoir accès à des ressources qui lui permettraient d'être auprès de ses enfants, pour les voir grandir et participer à leur éducation. Elle voudrait s'accrocher à cet espoir, le seul qu'il lui reste en tant que condamnée du cancer, parce que même malade et lourdement handicapée comme elle est, elle est une maman.

Lorsque je suis sortie de ma rencontre avec cette jeune femme, la radio que je syntonisais dans ma voiture diffusait les premiers résumés du témoignage de Lino Zambito. Tout cet argent dilapidé, toute cette corruption, toute cette fraude, ces millions, voire même ces milliards de dollars payés en trop, qui nous ont été carrément volés depuis presque la nuit des temps, mais de façon plus flagrante depuis ces dernières décennies... Où est passé cet argent? À qui et à quoi a-t-il servi? À augmenter la richesse des criminels notoires, des ripoux de la pire espèce! À alimenter le crime organisé, qui vend de la drogue à nos enfants dans les cours d'école.

Les conséquences de toutes ces corruptions vont bien au-delà de la question purement éthique. C'est une forme de crime humanitaire puisque tout cet argent payé en trop aurait permis de mettre des ressources en place pour prodiguer les soins nécessaires aux gens vulnérables de notre société. Ces dizaines et dizaines de millions auraient pu servir à réduire le niveau de pauvreté au Québec qui est en voie de devenir le plus élevé au Canada!

Toute cette corruption est un crime contre la personne, un détournement de notre humanité puisqu'elle enlève à la société les moyens qu'elle était en droit d'obtenir. C'est un crime grave de laisser mourir des gens, de ne pas nourrir et éduquer correctement des enfants et de faire patienter sans fin des personnes malades en attente de soins.

C'est un crime grave qu'une femme de 32 ans soit enterrée vivante dans un CHSLD faute de moyens et de ressources. Et c'est carrément odieux qu'en fin de compte, ce soit ses deux enfants qui doivent en payer le prix.