À  l'instar de toute autre personne impliquée dans le monde de l'éducation, un enseignant ne peut faire autrement qu'être consterné par les résultats de l'enquête menée par Marie-Claude Malboeuf et publiée dans les pages de La Presse sous le titre «Gourous Inc. Le marché des enfants».

Elle nous y révèle non seulement que des charlatans ont investi le marché des enfants et leur apprennent à guérir en imposant les mains et même à «réarranger les molécules, l'espace, le temps», ce qui est scandaleux en soi, mais encore que des écoles ont autorisé des activités parascolaires et même des cours basés sur la théorie des chakras ou sur des soi-disant champs électromagnétiques qu'il faudrait harmoniser, ce qui est une véritable infamie.

De temps à autre, on apprend que le système éducatif est ainsi infiltré par des imposteurs ou que des acteurs du réseau (enseignants, professionnels, directeurs d'écoles) ont succombé à une escroquerie paranormale, médicale ou psychologisante qu'ils ont décidé de faire partager aux élèves dont ils ont la charge. À l'heure actuelle, il semble que les déficits d'attention et la médicamentation des enfants, phénomènes en croissance, soient la porte royale d'entrée pour les emberlificoteurs et constituent la motivation des membres du personnel qui voudraient ainsi «aider les enfants».

Il convient de rappeler ici que les acteurs du milieu de l'éducation n'ont pas le droit d'introduire dans les écoles des théories ou des pratiques ésotériques et encore moins d'exposer leurs croyances en classe. Le système d'éducation a été mis sur pied et est financé par les contribuables à des fins spécifiques : alphabétiser; développer les habiletés de base (lire, écrire, compter); développer les habiletés intellectuelles en général (comparer, analyser, classer, identifier, distinguer un fait d'une opinion, inter-péter, évaluer, etc.); donner aux élèves les connaissances et les méthodes de travail propres à leur permettre de pratiquer un métier ou une technique ou à accéder aux études supérieures; former des citoyens aptes à exercer leurs droits et à remplir leurs devoirs; et, enfin, stimuler le développement de l'esprit critique. L'enseignement doit en outre se faire à l'intérieur d'un corpus de connaissances reconnues et avalisées par la communauté scientifique.

De plus, un enseignant ne peut pas utiliser son autorité morale auprès des enfants pour défaire ce que le reste du système travaille patiemment à construire, soit un individu équilibré et doté d'un bagage de connaissances valides et apte à exercer son esprit critique.

Sous prétexte que la science «officielle» n'a pas réponse à tout et qu'elle ne guérit pas tous les maux, certains s'autorisent à introduire dans les écoles des théories et des pratiques qui n'ont aucun fondement. J'aimerais beaucoup qu'un de ces frimeurs m'explique, preuves à l'appui, comment on mesure les «champs électromagnétiques» de ces enfants qu'il faudrait «grounder à l'univers», ou encore comment la théorie des chakras permet de déterminer le niveau de désorganisation de l'énergie à partir duquel il faudrait «réaligner» le pauvre élève.

On le voit, ces gourous utilisent un vocabulaire apparemment scientifique pour entourlouper, mais leurs méthodes ne passent jamais le test de la vérification ou de l'expérimentation. Leur fonds de commerce, c'est la misère humaine, la seule preuve de la validité de leur «science», les témoignages de leurs victimes.

Il est temps que le ministère de l'Éducation et les commissions scolaires mettent un terme à ces pratiques qui minent les fondements du système. Que ses acteurs qui ont rendu les armes à la suite du chant des sirènes de l'ésotérisme et du paranormal et introduisent ces théories fumeuses dans nos écoles soient rappelés à l'ordre ou, s'il le faut, congédiés.