Durant la campagne électorale, plusieurs partis ont dénoncé la contribution santé, cette taxe qualifiée «d'injuste» qu'ils ont proposé de faire disparaître ou de remplacer. Le défi est de taille pour trouver un peu plus d'un milliard de recettes.

Pour la CAQ, il suffit de générer des économies d'efficacité dans les dépenses et d'augmenter un peu les impôts des plus riches. Pour le PQ, il s'agit d'ajouter deux tranches d'imposition supplémentaires pour les plus riches. Mais comme cela ne devrait générer qu'environ 500 millions, il pense trouver les autres 500 millions en révisant d'autres paramètres de la fiscalité personnelle (crédits d'impôts sur les dividendes et taux d'inclusion des gains en capital).

Le taux marginal maximum combiné (Québec et fédéral) passerait de 48% à 55%, une hausse importante susceptible de générer des pertes d'efficacité importante, comme disent les économistes. En fiscalité, plus le taux est élevé, plus les pertes économiques sont importantes.

On mentionne rarement qu'il y a des seuils d'exemption (révisés chaque année): pour un adulte sans enfant et un revenu net (revenu total moins les déductions admissibles) d'environ 15 000$ ou moins; pour une famille avec un enfant, revenu net d'environ 30 000$. Aucune contribution sous ce revenu net, qui se calcule après plusieurs types de déductions. Plus d'un million de contribuables adultes n'ont pas à verser d'impôt.

Selon les statistiques les plus récentes (2009), 37% de 6,2 millions de contribuables ne payaient pas d'impôt au Québec (2,75% de plus qu'en 2008). Ils ne contribuent pas au financement de la santé par leur impôt direct sur le revenu. En contrepartie, l'État doit taxer davantage les contribuables imposables.

Le choix d'une contribution forfaitaire modeste, compte tenu des seuils d'exemption et du grand nombre de contribuables sans impôt à payer, permet d'assurer des ressources supplémentaires pour financer la santé. On peut la justifier comme une assurance d'accès aux services de santé: tous y ont accès, mais tous ne paient pas. C'est le tarif de base à payer pour maintenir et assurer le système.

Dans plusieurs autres domaines, on utilise un tarif de base pour accéder aux services sans que cela soulève un débat. Pour l'auteur qui utilise le gaz naturel, sa facture d'électricité aux deux mois est d'environ 52$ en moyenne. Mais le tarif d'abonnement est de 25$ (presque 50%), même si sa consommation était nulle. C'est le prix à payer pour accéder aux services de production et de distribution.

Des règles similaires s'appliquent pour l'accès au réseau routier. Permis de conduire (avec ou sans voiture) et immatriculation d'une voiture sont des contributions pour financer le réseau routier. En outre, une partie de ces contributions finance le régime d'indemnisation des dommages corporels des Québécois à la suite d'accidents de la route, peu importe où dans le monde, qu'on soit un conducteur-propriétaire ou un passager sans permis de conduire, un piéton ou un cycliste.

Dernier cas: les services de garde à 7$. En 2008-2009, le quartile de revenu le plus élevé des familles ayant un enfant admissible à la garde à 7$ avait un revenu moyen de 140 208$; 65% de celles-ci utilisaient ces services; à l'opposé, le quartile inférieur des familles similaires avait un revenu moyen de 29 744$ et 31% avaient un enfant en service de garde à 7$. Même prix pour tous, malgré un revenu quatre fois supérieur pour les familles très aisées (101 300 familles dans chacun des deux groupes).

La «modeste» contribution santé se défend sur le plan des principes. Elle n'entraîne pas de pertes économiques et d'effets négatifs sur l'incitation à travailler, épargner ou investir. La décision la plus sage serait de reporter cette promesse au prochain budget, le temps d'examiner ses conséquences et des options plus réalistes et réfléchies.