Alors que Bombardier s'apprête à lancer les essais sur les composantes-clés de ses appareils CSeries, trois questions se posent au sujet de ceux-ci. Seront-ils prêts à temps? Quelle sera la réaction des concurrents de Bombardier, notamment Boeing et Airbus? Quelle sera la demande à long terme pour cette gamme d'appareils?

Bombardier compte actuellement 138 commandes fermes pour ses avions CSeries, 199 options et 15 commandes conditionnelles, soit 352 appareils au total. L'entreprise reconnaît qu'elle devra mettre l'accent sur la croissance des ventes, et a renforcé considérablement son équipe des ventes, notamment en nommant Chet Fuller, ancien cadre supérieur chez GE, au poste de vice-président principal, ventes, marketing et gestion des actifs.

Le président et chef de la direction de Bombardier, Pierre Beaudoin, affirmait il y a quelques jours que bien que le vol inaugural soit prévu d'ici décembre, il envisageait un délai de quelques mois. J'ai l'impression que Bombardier pourra respecter les délais annoncés. Il ne faut pas oublier que les avions CSeries sont le couronnement d'un projet extrêmement complexe qui aura duré près de huit ans. Si nous étions à mi-parcours et qu'il ne restait plus aucune marge de manoeuvre, nous pourrions douter de la capacité de Bombardier à respecter l'échéancier fixé pour le vol inaugural. Mais le projet tire maintenant à sa fin.

La réaction des deux plus importants constructeurs aéronautiques au monde constitue un facteur déterminant du succès des appareils CSeries. S'ils le voulaient, Boeing et Airbus pourraient tous deux torpiller le programme CSeries, mais une telle stratégie ne saurait se justifier sur le plan commercial. Ces deux entreprises détiennent près de 80 % des parts de marché dans le domaine du transport aérien commercial, en termes d'unités de production. Bombardier, leur plus proche rival au chapitre des parts de marché, n'en possède en revanche que 6,3%.

Boeing et Airbus se préoccupent davantage de la menace qu'elles constituent l'une pour l'autre que de l'avantage concurrentiel que pourraient constituer les appareils CSeries de Bombardier.

Quelles sont donc les principales priorités de Boeing? Elle doit d'abord s'assurer du fonctionnement infaillible du 787 Dreamliner. Elle doit également continuer à faire progresser les ventes du nouveau modèle 737 MAX et reprendre au moins une partie du marché que l'Airbus A320 NEO lui a fait perdre l'année dernière.

Pour sa part, Airbus doit d'abord régler le problème de microfissures sur les ailes de ses appareils A380 et s'assurer que le programme d'inspection et de réparation de sa flotte soit un franc succès. L'avionneur doit ensuite trouver des clients pour le lancement de l'A350, un moyen porteur destiné à concurrencer le Boeing 787 Dreamliner. Enfin, il doit s'assurer que les ventes du nouvel A320 NEO (appareil plus évolué destiné à remplacer les modèles A318, A319, A320 et A321) continuent de progresser malgré la concurrence du Boeing 737 MAX.

Selon moi, Bombardier dispose d'un avantage très net, même si certains observateurs ne partagent pas ce point de vue. Il s'agit d'une entreprise familiale, ce qui permet à Pierre Beaudoin, actuel président et chef de la direction, d'avoir une vision et une pensée à long terme, ce qui constitue un avantage important lorsque l'enjeu est un produit dont la mise au point aura nécessité 10 ans et dont la durée de vie dépassera 30 ans.

Les dirigeants de Boeing ou d'Airbus n'ont pas cette chance. Ainsi, six présidents-directeurs généraux se sont succédé à la tête d'Airbus au cours des sept dernières années. Boeing en a eu cinq depuis 1996.

Quel contraste avec Bombardier! Laurent Beaudoin, père de Pierre, a dirigé l'entreprise de 1966 à 2008; ainsi, un membre de la famille Beaudoin - le père ou le fils - a présidé aux destinées de l'entreprise pendant plus de 40 ans, si l'on exclut un intermède de quelques années pendant lequel Robert Brown et Paul Tellier en ont tenu les rênes.

Enfin, le marché potentiel est énorme. Les auteurs d'un article publié récemment dans le Financial Times estiment que ce marché connaîtra une croissance annuelle de 4,4 %, ce qui représente une demande de plus de 25 000 nouveaux appareils. Après un ralentissement sans précédent de l'économie mondiale, certains marchés reprendront de la vigueur et c'est alors que les appareils CSeries connaîtront un véritable succès.

Saluons Pierre Beaudoin, les membres du conseil d'administration de Bombardier et Laurent Beaudoin, président du conseil, pour avoir choisi d'investir dans l'avenir.