La transaction Bell-Astral fait couler beaucoup d'encre. Après une semaine complète d'audiences où plusieurs groupes ont manifesté leur opposition à cette transaction, nous nous étonnons que certains puissent encore présenter cet enjeu déterminant pour le système de radiodiffusion canadien uniquement comme une guerre entre Bell et Québecor.

Adopter une approche aussi réductrice, comme l'ont fait André Pratte et Gaétan Frigon en ces pages, et omettre de mentionner l'opposition de l'Union des consommateurs, d'Option consommateurs, des quatre partis représentés à l'Assemblée nationale, d'un regroupement d'artistes et de créateurs québécois, de même que de TELUS, Eastlink, Cogeco, Rogers et du Canadian Cable Systems Alliance (CCSA), dont nous faisons partie, relève de l'aveuglement volontaire.

Les entreprises de câblodistribution à caractère régional que nous dirigeons seraient durement touchées par cette transaction. Alors que nous n'avons que très peu de rapport de force quand vient le temps de négocier nos contrats d'affiliation, il est certain que, confrontés à une entreprise de la taille de la future Bell-Astral, nous n'en aurions aucun.

Cette conviction n'est pas que spéculation. Elle découle directement du traitement que nous ont fait subir Bell et Astral au cours des derniers mois. Depuis l'achat de CTV et RDS par Bell, nous avons en effet vu le coût des services de cette dernière augmenter substantiellement. Lors de nos dernières négociations, Bell nous a imposé des exigences de pénétration minimum qui nous forcent soit à payer Bell pour des clients qui ne souscrivent pas à RDS, ou à offrir ce service à la base et ainsi obliger chaque client à payer pour cette chaîne, qu'ils la désirent ou non.

Nos clients n'accepteront pas un tel traitement éternellement et changeront simplement de fournisseur de service. Malheureusement pour nous, ils auront la possibilité d'aller vers Bell, car Bell n'impose pas à ses clients les mêmes restrictions d'assemblage de services qu'elle nous impose.

Même si la transaction n'a pas encore été approuvée, Astral commence elle aussi à démontrer une attitude similaire, exigeant désormais des hausses de tarifs excessives et des taux de pénétration minimums, tout en voulant restreindre la souplesse de nos forfaits. C'est là un changement d'attitude complet par rapport au printemps dernier lorsqu'Astral nous proposait de renouveler les contrats aux mêmes conditions que celles qui existaient jusqu'alors.

Alors que le CRTC examine la possibilité d'accorder à Bell le contrôle sur la vaste majorité des services spécialisés de langue française au Canada, incluant les plus populaires, nous avons une bonne idée de la façon dont elle disposera de ce pouvoir, et cela nous inquiète au plus haut point.

Rémi Tremblay, Michel Laurent, Jacques Perron, Claude Beauregard, David Ouellette, Denis Michaud et Paul-André Duclos.