Une fois que les conventions d'investiture en vue de la présidentielle américaine sont choses du passé, l'étape finale de la campagne commence. Dans la plupart des cas, le candidat qui est en avance à la mi-septembre finit par l'emporter.

À l'heure actuelle, les sondages nationaux ne montrent pas clairement qui est en tête. Dans le système américain toutefois, il y a en fait 50 élections distinctes, soit une pour chaque État. Pour avoir une bonne idée de l'issue probable du vote, il faut regarder les sondages dans les États clés, ceux qui auront une influence décisive sur l'élection. Cette année, la plupart des observateurs conviennent qu'il y a 10 États pouvant faire pencher la balance, des États qui ne sont pas acquis à l'avance à un ou l'autre des candidats.

Lorsqu'on compile les votes électoraux de ces États clés, on s'aperçoit qu'à moins d'un événement renversant et tout à fait imprévisible, le président Obama est presque certain d'être réélu. Il pourrait perdre chacun des trois plus grands États clés où il est présentement en avance, soit la Floride, l'Ohio, et le Michigan, et il serait tout de même à égalité avec son rival républicain Mitt Romney.

On pourrait croire que le candidat sortant porte le fardeau de la situation économique difficile, et c'est bien le cas. Si les temps étaient meilleurs, M. Obama jouirait d'une avance si confortable que l'élection serait pratiquement terminée.

Si l'économie est un enjeu fondamental, il y a un autre enjeu également essentiel à chaque élection, et ce, dans n'importe quelle démocratie. C'est la réponse que chaque électeur donne à la question suivante: «Est-ce que ce candidat se préoccupe vraiment des personnes comme moi?» Près de 70% des électeurs américains croient que dans le cas de M. Romney, la réponse est «non».

Il y a ici deux facteurs à considérer. D'abord, la campagne d'Obama a travaillé d'arrache-pied au cours de l'été pour définir Mitt Romney comme quelqu'un qui a peu de liens avec l'Américain ordinaire.

Cependant, c'est Romney lui-même qui s'est fait le plus de tort. Son refus de divulguer ses déclarations de revenus, ses anciens comptes bancaires suisses, ses investissements aux îles Caïmans et ses propos sur les «47% d'Américains qui dépendent du gouvernement» ont projeté de lui une image bien plus préjudiciable que tout ce que ses rapports d'impôt auraient pu contenir.

Les Américains n'ont rien contre la richesse et le succès; en fait, nous admirons ces qualités. Un problème se pose lorsque quelqu'un semble avoir bénéficié de règles différentes de celles que doivent suivre les autres citoyens. M. Romney affirme qu'il a payé tous les impôts exigés par les lois. Cela satisfait sans doute les milieux qu'il fréquente, mais la plupart des Américains entendront plutôt ceci: «J'ai utilisé chaque échappatoire légale disponible afin de payer le moins d'impôt possible.»

Ajoutez à cela sa maladresse en public et sa détermination apparente à couper les programmes sociaux chers à la classe moyenne, et vous avez l'impression d'un homme qui a réussi, certes, mais surtout qui n'a pas de coeur.

Les Américains admirent le succès, mais ils veulent des chefs qui les comprennent, particulièrement lorsqu'ils traversent des périodes difficiles. Des personnes très riches ont été élues à la présidence dans le passé - qu'on pense à Franklin D. Roosevelt et à John F. Kennedy. Cependant, peu importe ses qualités de gestionnaire, peu importe la grogne au sein de l'électorat, aucun candidat n'est devenu président si, aux yeux des Américains, il ne les comprenait pas ou ne se préoccupait pas de leur sort.