Pauline Marois a déclaré durant la campagne que si elle était portée au pouvoir, elle exigerait du gouvernement fédéral un grand nombre de transferts de responsabilités, avec les budgets afférents, en commençant immédiatement par «le programme d'assurance-emploi et les pleins pouvoirs en matière de langue, de culture et de communications» (La Presse, 1er septembre 2012).

Pour appuyer ses demandes, qu'elle inscrit dans ce qu'elle appelle la «gouvernance souverainiste», Mme Marois a exclu le recours aux référendums sectoriels, mais son programme ne le fait pas et y ouvre même la porte par le biais des référendums d'initiative populaire.

Il est probable que la faiblesse de sa victoire incitera Mme Marois à réduire ses exigences. Mais il vaut quand même la peine de se demander si son plan de dévolution serait dans l'intérêt des Québécois. Pour cinq raisons, cela ne m'apparaît pas être le cas.

Premièrement, la démonstration n'a pas été faite que les Québécois y gagneraient au change, ni sur le plan financier, ni du point de vue de l'étendue et de la qualité des services publics. On a tous les indices du contraire.

Deuxièmement, la dévolution de vastes programmes fédéraux du gouvernement fédéral au gouvernement du Québec ou à l'ensemble des provinces est une tâche administrative énorme qui mobiliserait une grande part de l'énergie de nos gouvernements. La preuve n'a pas été faite qu'un tel branle-bas devrait être prioritaire, alors même que l'affaiblissement de l'économie mondiale met à risque notre niveau de vie et nos emplois.

Troisièmement, le premier ministre du Canada et son gouvernement n'ont pas le mandat de procéder à une telle dévolution. On ne parle pas ici de simples ajustements administratifs. Si le gouvernement fédéral veut transférer des pans entiers de ses responsabilités aux provinces, et décentraliser davantage l'une des fédérations les plus décentralisées au monde, il devrait d'abord en obtenir le mandat démocratique auprès des Canadiens.

Quatrièmement, de tels transferts ne renforceraient aucunement l'unité canadienne, laquelle demeure l'option préférée des Québécois. Les indépendantistes ne se satisferont pas de pouvoirs fédéraux à la pièce, ils veulent un Québec indépendant. Mme Marois a d'ailleurs affirmé qu'elle interprétera toute nouvelle dévolution comme un pas vers l'indépendance. Quand elle dit que le rejet de ses exigences prouvera que la reconnaissance des Québécois en tant que nation au sein du Canada ne veut rien dire, il faut lui répondre qu'il y a un malentendu. Cette reconnaissance n'a jamais voulu dire l'effacement du gouvernement fédéral sur le territoire québécois. Elle enjoint plutôt le gouvernement fédéral, comme les autres gouvernements, à tenir compte de la spécificité québécoise dans l'exercice des responsabilités qui sont les siennes.

Finalement, dans l'intérêt des Québécois, il faut écarter le recours aux référendums sectoriels sur les transferts de pouvoirs fédéraux. Si le gouvernement fédéral devait céder l'une de ses responsabilités au gouvernement du Québec sur la base d'un référendum qui y aurait été tenu, comment pourrait-il rejeter les résultats d'un référendum tenu dans une autre province qui seraient contraires aux intérêts des Québécois?

Par exemple, comment le gouvernement fédéral pourrait-il dire non à une province riche qui aurait voté massivement pour que la péréquation, dont le Québec est le plus grand bénéficiaire, soit réduite de moitié? Nulle part au monde on ne gouverne une fédération à coup de référendums provinciaux tenus sur des domaines de compétence fédérale.

Pour toutes ces raisons, le nouveau gouvernement du Québec devrait bâtir une argumentation solide et réfuter rationnellement les objections avant d'exiger du gouvernement fédéral qu'il lui transfère la responsabilité de programmes et de budgets.