À l'ère des réseaux sociaux et de la promotion des imbéciles, faut-il s'étonner que les seuls faits qui soient retransmis ad vitam aeternam soient les commentaires désobligeants et souvent haineux produits par une poignée de citoyens de seconde zone en quête d'attention? La réponse, bien évidente, est non.

Prenez simplement ce tragique attentat qui a assombri la victoire électorale de Pauline Marois, qui devient la toute première femme premier ministre de l'histoire du Québec. Je ne sais pas si vous avez été de ceux qui, comme moi, ont vu pantois la nouvelle élue se faire traîner hors de l'estrade par deux matadors en complet-veston au moment où elle donnait un discours de remerciements. De ceux qui n'ont pas compris immédiatement la gravité de la situation. Qui n'ont pas vu le trouble de la journaliste, tout aussi confuse sur place que nous dans notre salon. Peu après, on apprenait qu'un fou furieux armé s'était faufilé derrière le Métropolis, qu'il avait tiré deux personnes et déclenché un feu avant de se faire appréhender par les autorités. Aussitôt, on oublie le préjugé du tueur à gage professionnel: le suspect est un homme blanc et bedonnant dans la soixantaine, ayant l'apparence du client type des dépanneurs.

Monsieur Tout-le-Monde, quoi.

Mais Monsieur Tout-le-Monde n'a pas dit son dernier mot: alors qu'il passe devant les caméras entouré de deux policiers, en balbutiant des élucubrations incompréhensibles, une phrase reste tout de même assez audible pour enflammer les réseaux sociaux. «Les Anglais se réveillent!», crie-t-il. Il n'en fallait pas plus pour faire ressortir les bonnes vieilles tensions entre francos et anglos, et presque aussitôt, le feu de paille envahit le net. Et entre les «têtes carrées» et les «french frogs», on en oublie l'essentiel: un homme a été tué dans l'attentat. Et personne n'est là pour compatir.

On dit souvent que les choses doivent changer au Québec, que le gouvernement doit être plus à l'écoute de ses citoyens. Être plus humain.

Hé! Être plus humain, c'est aussi éprouver de la compassion pour son prochain! C'est aussi être peiné qu'un événement historique de la sorte ait été entaché par la lubie d'un fou! Et c'est aussi dénoncer ce genre de comportement inacceptable! Et pourtant, sur Facebook, pas un mot (ou à peine) pour défendre ou offrir ses condoléances à la famille de la victime du tireur. Non, à la place de se soutenir, on s'entre-déchire autour d'un conflit quasi préhistorique. On retrouve une haine en acier trempé pour son prochain, pour une raison purement linguistique.

Le suspect de cet attentat n'a pas seulement tué et blessé deux hommes, il a également rouvert de vieilles plaies qui ont tant de mal à se refermer. Bref, il a retiré au Québécois ce côté humain qu'il recherche tant de la part du gouvernement.

Pour ma part, j'offre mes plus sincères condoléances à la famille de ce technicien qui n'a pas demandé à être la victime d'un déséquilibré. Et j'invite mon prochain - qu'il soit anglophone ou francophone - à en faire de même et à éviter qu'un tel drame ne se reproduise.