Toutes allégeances confondues, il y a lieu après une campagne intense, de prendre du recul pour savourer le pas franchi par la démocratie québécoise en élisant, pour la première fois de son histoire, une femme au poste de première ministre.

Ce matin, je suis convaincue que plusieurs femmes ressentent de la fierté. À travers l'une des nôtres, c'est la capacité des femmes d'accéder aux plus hautes responsabilités qui est reconnue. Un espoir de justice et d'égalité s'allume. En dépassant le discours de l'égalité de droits, la société s'engage sur le chemin rocailleux de l'égalité de fait. Une société grandit quand elle accepte d'asseoir son développement sur tous les talents.

Qu'on ne me dise surtout pas qu'on est ailleurs, que tout repose sur les idées et compétences. L'argument ne tient pas. Pauline Marois est la première d'une longue lignée de 34 premiers ministres. Une première qui arrive, 72 ans après l'acquisition du droit de vote des femmes et 50 ans après l'élection d'une première députée. Prétendre que le sexe ne joue pas, c'est faire preuve de mauvaise foi et de mépris pour le talent des femmes!

Hier, le Québec n'a pas élu une femme pour une femme. Pauline Marois est seule à avoir occupé tous les ministères importants: Éducation, Santé, Conseil du trésor et Finances. Elle fait partie des rares réformatrices qui ont modernisé l'État, à travers la mise en place des commissions scolaires linguistiques et d'un réseau de service de garde unique en Amérique, en faisant appel à l'économie sociale plutôt qu'à l'étatisation.

Bien sûr, les femmes ne sont pas monolithiques. Elles apportent à la vie politique des sensibilités ancrées dans le vécu des femmes. Rappelons quelques exemples: Claire Kirkland Casgrain pour la capacité juridique des femmes, Lise Bacon pour les subventions aux premières garderies, Lise Payette pour la place accordée aux personnes dans l'assurance automobile, Monique Gagnon-Tremblay pour le patrimoine familial, Jeanne Blackburn pour la perception des pensions alimentaires, Pauline Marois pour les garderies et l'assurance parentale, Louise Harel pour la loi sur l'équité salariale, Monique Jérôme-Forget pour sa réalisation dans le secteur public et pour la place des femmes dans les sociétés d'État. La liste pourrait s'allonger. Elle va au-delà du hasard.

Quittons l'histoire. Rapprochons-nous des valeurs et des façons de faire de celle qui dirige aujourd'hui le Québec. J'ai travaillé avec Pauline Marois alors que j'étais à la CSN. J'en garde des souvenirs qui ont leur valeur après une élection polarisée.

La première ministre a d'indéniables qualités de rassembleuse. Elle sait faire preuve d'écoute et de respect. Elle est ferme, capable de franchise sur ses contraintes, tout en cherchant les solutions qui rallient et motivent les troupes. Elle connaît les limites des approches autoritaires et sait qu'on ne peut conduire de grandes réformes sans mobiliser et impliquer la société.

Elle a un sens aigu des responsabilités et de l'État. La droiture, la constance et la cohérence de son parcours l'honorent. Voilà qui rassure à l'heure où pleuvent les allégations de copinage et de retour d'ascenseur.

Pauline Marois répond aux attentes. Elle l'a démontré en instaurant la politique familiale dans le contexte très contraignant du déficit zéro, par la force de ses convictions et le doigté d'une ministre capable de naviguer en eau trouble.

Enfin, tout son parcours est marqué à l'aune des valeurs de justice sociale et d'égalité des chances qui l'animent.

Nous avons à découvrir celle que les Québécois commencent à appeler «Pauline» plutôt que «La Marois». La pire des injustices serait de priver la première des premiers ministres de notre histoire des moyens nécessaires pour répondre aux attentes.

J'invite Mme Marois à nous surprendre et à s'attaquer aux distorsions générées par le mode de scrutin qui n'accorde pas la même valeur à chaque vote. Ce serait un extraordinaire clin d'oeil de celle qu'on a injustement accusée de privilégier la rue que d'enclencher une réforme qui replace le citoyen au coeur de la démocratie.