Cher François, tu permets que nous t'appelions François et que nous te tutoyions en souvenir de toutes ces années où nous avons travaillé, si ce n'est ensemble, du moins en partenariat patronal-syndical chez Air Transat?

Bien sûr, ce partenariat à ses débuts n'était pas pour te plaire. Tu es même intervenu lors de la première demande d'accréditation du personnel de cabine afin d'inclure les directeurs de vol à la liste, augmentant ainsi le nombre total de membres et faisant en sorte que nous n'obtenions pas la majorité requise pour nous syndiquer.

Tu as même poussé l'audace jusqu'à demander à ce que ces mêmes directeurs de vol soient exclus du compte lors du deuxième dépôt de cartes, car tu les considérais maintenant comme des cadres. Cette dernière tentative d'obstruction n'ayant pas fonctionné, tous les agents de bord et directeurs de vol sont depuis plus de 20 ans syndiqués au SCFP.

Une fois accrédité, le bon sens a prévalu et, comprenant que la compétition en affaires était féroce dans le vol nolisé, nous avons développé un partenariat afin de faire progresser l'entreprise tout en nous assurant d'offrir les meilleures conditions de travail possible au personnel de cabine. Peu de temps après, les pilotes, les mécaniciens et le bureau d'affectation des équipages ont eux aussi obtenu leur accréditation auprès de syndicats différents.

Pour permettre de sauver Air Transat d'une faillite plus que probable au début des années 90, tu as accueilli à bras ouverts l'investissement du Fonds de solidarité FTQ. Par cet investissement, le partenariat s'est accentué et diversifié. Te souviens-tu d'avoir accepté «avec honneur» la présidence du conseil d'administration du Fonds régional de solidarité Laurentides-Lanaudière?

Tout au long de tes années à la présidence d'Air Transat, tu n'as cessé de répéter que le syndicat du personnel de cabine était un partenaire important et nécessaire au succès de l'entreprise. Lorsque cette dernière a connu des années difficiles, les membres du SCFP ont fait preuve de flexibilité; tu vantais alors la bonne entente entre les différents syndicats et la partie patronale qui savaient reconnaître les besoins de flexibilité financière pour permettre à Air Transat de poursuivre sa croissance.

Lors de la deuxième négociation, tu as exigé des concessions salariales de 7% pendant qu'un bonus plus que généreux t'était versé. Tu invoquais une décision du conseil d'administration hors de ton contrôle pour justifier ce versement. Le personnel de cabine nous a fait confiance en assemblée générale lorsque nous avons rapporté la nouvelle leur demandant de fournir un effort collectif.

Que s'est-il donc passé au cours des 20 dernières années pour qu'aujourd'hui, tu martèles sur toutes les tribunes que les syndicats sont devenus les ennemis à abattre? Si tu devais devenir premier ministre du Québec, pourquoi te serait-il si impensable d'établir un partenariat avec les syndicats de la fonction publique québécoise? Avec 40% de travailleurs syndiqués, ne veux-tu pas être le premier ministre de tous les Québécois? Si ta stratégie est de diviser pour mieux régner, nous te suggérons de la revoir rapidement.

Si le mouvement syndical est si mauvais pour le Québec, pourquoi t'entourer du Dr Gaétan Barrette? Il est le président de la Fédération des médecins spécialistes. Que ça te plaise ou non, il s'agit d'un syndicat. À moins que tu ne pratiques un syndicalisme élitiste, où seuls sont acceptables les syndicats de professionnels?

Tu dis vouloir du changement pour le Québec. Si tu es sincère, permets-nous un conseil en souvenir de notre passé commun: bâtis avec les syndicats de la fonction publique un partenariat comme tu as su le faire chez Air Transat. Tu risques de voler plus haut.



Les auteurs ont été respectivement président et vice-président de la composante Air Transat du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) représentant le personnel de cabine au Canada de 1992 à 1997. Ils adressent leur lettre au chef de la Coalition avenir Québec, François Legault.