Le retour en classe est annoncé comme une victoire des verts. Nous, les rouges, retournerons s'asseoir aux côtés de ceux qui nous ont freinés dans notre lancée, ceux contre qui nous nous sommes battus depuis des mois, ceux qui aujourd'hui nous reprochent toutes les conséquences de cette grève.

Lundi soir, dans l'assemblée, les gens pleuraient. Le retour en classe était annoncé comme une défaite. Parce qu'au fond, nous n'avons rien gagné: la loi spéciale, la hausse des droits de scolarité, l'endettement étudiant, la marchandisation de l'éducation sont toujours des concepts présents dans notre société.

Et moi, j'ai envie de vous dire : ah oui? Il me semble que, depuis sept mois, le mouvement étudiant est un exploit. Après deux mois de grève, c'était une victoire : comment se peut être aujourd'hui un échec? Et qu'avons-nous perdu, au fait?

Nous avions en tête d'annuler la hausse des droits de scolarité, puis la gratuité scolaire. Mais, attendez. Nous nous battions contre le néolibéralisme. Savez-vous à quel point cela est utopique? J'ai beau être idéaliste, parce que, pour reprendre les mots d'un juge de la Cour suprême, l'utopie me permet de marcher dans la bonne direction, mais il faut comprendre qu'il est impossible qu'un mouvement social puisse restructurer une société en moins d'un an. Il est impossible, par une grève étudiante, d'éliminer l'individualisme, le capitalisme qui se trament depuis des dizaines d'années.

Ce que nous avons gagné, c'est l'éveil. Parce qu'au début, nous scandions que les choix de ceux qui disent nous gouverner étaient nocifs pour notre société. Puis, les gens nous ont dit de nous taire, qu'on les dérangeait inutilement. Puis nous avons professé que rien n'allait, qu'il fallait tout changer. Ils nous ont dénigrés, assené de coups. Ils nous ont dit que nous étions usurpatoires. Et nous avons crié « encore plus fort »... Et, nous avons gagné; ils ont demandé « Pourquoi? ». Pourquoi augmenter les frais n'est pas une bonne idée? Pourquoi remettez-vous en doute les structures parlementaires? Pourquoi dites-vous que ce n'est pas normal de s'endetter pour un diplôme?

Que nous les ayons convaincus ou non, peu importe. Nous ne pouvons imposer une position. L'important c'est que nous ayons lancé une idée, un message, des questions fondamentales qui feront leur chemin dans la tête de chacune de ces personnes qui nous ont entendu.

J'étais de celle qui, au début de l'année, était contre la hausse des frais, mais n'aurais jamais parlé de gratuité scolaire. J'étais de celle qui était contre la violence, parce que j'ignorais la différence entre ses différentes formes. Je savais que notre démocratie comportait de graves lacunes, mais jamais je n'aurais osé la réformer. Aujourd'hui, je peux vous parler de syndicalisme de combat, j'ai ô combien compris 1984 et je me bats contre le néolibéralisme. Vous m'avez ouvert les yeux à moi. Et tous ceux et celles qui se sont aussi réveiller luttent désormais à vos côtés. C'est ça notre victoire.