Le débat d'hier avait sa dynamique propre. Il plaçait en face à face deux chefs, identifiés dans les perceptions populaires comme les chefs des «vieux partis».

Deux chefs dont les partis, pour le meilleur et pour le pire, ont exercé le pouvoir. Deux chefs que les prises de bec et l'allure peu édifiante des débats à l'Assemblée nationale ont souvent malmenés. Cette dernière réalité représentait pour la chef de l'opposition officielle un défi particulier, compte tenu des rares occasions offertes pour démontrer son potentiel comme premier ministre.

Comme dimanche, Mme Marois est apparue digne et en contrôle, sereine et pleine d'aplomb. Certes, elle a joué de prudence en mettant en valeur le côté responsable de son programme, tout en tentant de rassurer la population sur sa volonté sincère de défendre les gens de tous âges et de toutes conditions, de reconstruire un rapport de force face à Ottawa et de se faire plus exigeante à l'égard des minières, de la transformation et de la défense du français.

Elle est revenue sur les deux grands oubliés du débat de Radio-Canada, l'éducation et la loi spéciale, en réitérant des promesses qui constituent des choix concrets et tangibles pour nos jeunes et nombre de Québécois. Elle a montré qu'elle privilégie le dialogue à l'affrontement.

M. Charest avait à composer avec son bilan et l'usure du pouvoir. Il y a des limites à faire du neuf avec du vieux, même pour un «debater» aussi talentueux et aguerri que Jean Charest, quoiqu'il ait fait preuve d'une agressivité qui faisait voir à quel point il était sur la défensive. Les tentatives de renverser le fardeau en radotant sur les méfaits du PQ lors du déficit zéro manquent de crédibilité, alors que le PLQ est au pouvoir depuis près d'une décennie.

En outre, il ne peut pas tenter aujourd'hui de simuler un semblant de parité dans les scandales en brandissant le rapport Moisan. C'est lui qui gouvernait en 2006 au moment de la sortie du rapport. Il avait toute la latitude pour s'attaquer au problème s'il avait été déterminé à agir sur le financement des partis! Trop content d'échapper à toute condamnation pour insuffisance de preuve à l'égard du PLQ et du groupe Everest, il s'est bien gardé d'agir. Pire encore, on a tous ragé devant l'extrême résistance dont il a fait preuve avant de consentir enfin à mettre en place la commission Charbonneau.

À cet égard, reconnaissons à Mme Marois le courage de ne pas s'être laissée paralyser par l'existence du rapport Moisan pour réclamer pendant plus de deux ans une commission d'enquête. D'ailleurs n'est-il pas curieux de constater qu'une Sylvie Roy, alors à l'ADQ, n'ait pas été relayée par François Legault, alors terriblement silencieux sur le sujet, mais plutôt par d'autres péquistes comme Nicolas Girard?

Enfin, l'insistance agressive, pour ne pas dire hargneuse, de M. Charest à évoquer «la rue», «la majorité silencieuse» et «les référendums» (qui d'ailleurs nous aurait probablement permis d'obtenir une commission d'enquête sur la corruption plus rapidement) en dit long sur son mépris de l'opinion des citoyens, sur leurs droits et sur leur rôle en démocratie. Ne pas se fixer l'obligation de tenir un référendum à tout prix, un référendum qui pourrait être perdant, constitue de la part de Mme Marois un geste de responsabilité.

Il faudra admettre au Québec que les partis politiques, à travers le temps, les changements de chefs et le renouvellement d'équipe et d'idées peuvent tirer les leçons de leurs erreurs passées et surtout tenter de faire mieux à l'avenir. Sans cela nous serions condamnés à un éternel recommencement et à confier le pouvoir à des partis moins préparés à l'exercer.

Devant la soif de changement qui secoue le Québec, il y a fort à parier que la fameuse question de l'urne sera, outre l'intégrité, celle de l'expérience et de la cohérence. Pour ce faire, Mme Marois devra, d'ici la fin de la campagne, continuer à rassurer sur la cohérence de son parti et sur sa capacité de tirer les leçons de son riche passé qui compte aussi son lot de réalisations populaires et progressistes qui ont fait avancer le Québec.