Le Dr Gaétan Barrette, avec son regard perçant et son imposante stature, est intimidant, impressionnant et ne laisse personne indifférent. Au-delà de son apparence physique, son franc-parler et la clarté de son discours détonnent dans notre paysage de langue de bois. Affirmer que le candidat vedette de la CAQ ne porte pas de gants blancs et ne fait pas dans la dentelle est un euphémisme.

Ainsi donc, si le Dr Barrette est élu, il entend fouetter les omnipraticiens et les forcer à travailler plus en acceptant plus de patients et en délaissant les cliniques sans rendez-vous. Le Dr Barrette traite les omnipraticiens en petits Schtroumpfs paresseux et le portrait qu'il en trace est, selon mon opinion et mon expérience, peu représentatif de la réalité.

Au cours des six premières années de ma pratique du droit, j'ai représenté les intérêts de médecins, toutes spécialités confondues, qui étaient poursuivis en responsabilité médicale ou faisaient l'objet de plaintes disciplinaires devant le Collège des médecins. J'ai été frappée par le nombre de professionnels dont la source des problèmes n'était pas étrangère au surplus de travail, à l'épuisement et à des problèmes de santé mentale ou de consommation.

À cet égard, les statistiques du Programme d'aide aux médecins du Québec (PAMQ) sont particulièrement révélatrices. À l'exception de 2011, les omnipraticiens ont toujours été plus nombreux que les spécialistes à requérir de l'aide en cas de détresse personnelle ou professionnelle.

De plus, les demandes d'intervention sont en constante progression depuis 2001 avec une pointe en 2009 suivie d'une très légère baisse en 2010 et 2011. Le vieillissement de la population, la combinaison de plusieurs pathologies et la lourdeur des cas sont autant de défis qui rendent la pratique des omnipraticiens plus difficile et complexe.

Gardons également en tête que ces médecins sont d'abord et avant tout des êtres humains et que l'absence d'un professionnel en raison d'une invalidité n'est pas sans conséquence.

Cela dit, le problème d'accès à un médecin de famille est sérieux et des solutions doivent être explorées. Mais je tends à abonder dans le sens du président de la Fédération des médecins omnipraticiens, le Dr Louis Godin, qui affirme que les réponses se trouvent dans le soutien à la pratique et l'accès à de meilleures ressources.

J'ai foi dans les compétences des infirmières praticiennes et je crois à la pertinence des pouvoirs élargis des pharmaciens. Cette avenue implique toutefois que les omnipraticiens acceptent de faire des efforts de délégation et lâchent prise sur la sacro-sainte exclusivité de certains actes médicaux.

Le Dr Barrette, à titre de président de la FMSQ, peut au moins se vanter de faire l'unanimité parmi les médecins spécialistes qu'il représente en raison notamment des faramineuses augmentations de salaire qu'il leur a décrochées, du jamais vu dans l'histoire des relations entre le gouvernement et ses médecins. Ferait-il pour autant un bon ministre de la Santé? Rien n'est moins sûr. Chose certaine, il entend profiter du fait que l'actuel ministre de la Santé, le Dr Yves Bolduc, jouit malheureusement du charisme d'une boîte de conserve.

Néanmoins, le choix de son cheval de bataille et surtout la façon dont il a choisi de l'enfourcher laissent planer le doute sur la capacité du Dr Barrette à cultiver le calme, l'art du compromis et le sens de la diplomatie si précieux en politique. Avec une prise de position aussi tranchée et inflexible, il y a fort à parier que les 8000 membres de la FMOQ tourneront le dos à la CAQ et au Dr Barrette, malgré tous les gants blancs qu'il pourrait enfiler et toute la dentelle dont il pourrait se parer.