Une semaine après son déclenchement, la campagne électorale a évité l'immense piège tendu par le gouvernement sortant, visant à détourner les élections de leur sens en leur conférant une portée référendaire qu'elles n'ont pas et en proposant un exercice référendaire biaisé sur la crise étudiante toujours latente.

Il faut s'en réjouir! Les élections doivent demeurer un temps fort de reddition de comptes et de bilan. Elles doivent continuer à offrir un espace essentiel de débats et de vision sur un ensemble d'enjeux allant de la justice sociale, aux services publics et au développement économique en passant par la culture, l'écologie, les droits, l'identité nationale, l'éthique, l'intégrité, etc.

Il faut s'en réjouir aussi parce que l'éducation mérite beaucoup mieux qu'un débat binaire sur le gel ou le dégel des droits de scolarité ou pire encore, un débat encore plus tordu et réducteur sur «la loi et l'ordre». Ouf! Mais pour combien de temps encore?

Certes, l'enjeu de la corruption s'est imposé comme un incontournable. La lutte sur ce terrain s'annonce féroce et pleine de rebondissements. Rien n'est complètement joué. Tout peut encore aller dans toutes les directions, voire même se perdre dans un effet «boomerang». Ce qui est sûr cependant, c'est que la tentation de faire diversion sera d'autant plus présente.

Là-dessus, l'incertaine reprise des cours dans les cégeps et universités peut constituer une occasion rêvée de dérapage.

La fin abrupte et inexpliquée des pourparlers avec les élèves et les étudiants a laissé un goût amer et une détestable impression de manipulation. L'adoption par le PLQ et la CAQ de la loi 12 n'a rien réglé sur le fond. Au contraire, cette loi ignoble a jeté de l'huile sur le feu en élargissant la cible et en s'attaquant aux droits et libertés civiques de toute la population.

Néanmoins, le déclenchement d'élections générales change la donne et doit être pris en compte par les étudiants.

Soyons clairs. Loin de moi l'idée de donner une portée référendaire à ces élections. Loin de moi aussi l'idée de déposséder les jeunes de tout contrôle sur une lutte dans laquelle ils se sont engagés avec ferveur et conviction pendant plus de six mois.

Dans le contexte actuel, la force de leur message passe plus que jamais par une participation significative aux assemblées générales et par la recherche de nouveaux mandats à exercer quand ils auront devant eux un interlocuteur légitime et capable d'agir, lequel ne sera connu qu'au terme de ces élections générales.

Entre temps, les jeunes ont tout intérêt à réinvestir un terrain qu'ils ont malheureusement trop délaissé, celui de la participation électorale et apprendre à faire peser le poids de toute une génération sur notre avenir collectif. Loin de les menotter, cette forme d'engagement citoyen s'ajoute à la nécessaire démocratie participative et lui donne encore davantage de crédibilité. L'expérience vécue ces derniers mois avec les libéraux et les déclarations musclées tant du PLQ que de la CAQ durant la présente campagne électorale témoignent hors de tout doute de l'approche méprisante et matamore privilégiée par ces deux partis à l'égard de la jeunesse.

Règle générale, ce printemps érable a montré au grand jour un mouvement étudiant capable d'engagement, de maturité et de créativité. Ce mouvement n'a certes pas besoin d'une «matante» de plus. Si je m'autorise à faire ces commentaires, c'est que je prends au sérieux l'invitation qu'il a lancée à la population à l'effet de débattre en toute égalité et solidarité de la construction d'un autre Québec. La présente campagne électorale fait nécessairement partie de ce type de chantiers. Elle appartient à l'ensemble des citoyens et citoyennes. Il serait dommage qu'elle trébuche dans le premier piège à ours tendu par un gouvernement traqué et essoufflé qui cherche par toutes sortes de raccourcis à obtenir un quatrième mandat.