Le voile est enfin levé, place à la vraie campagne électorale. Voilà qui m'amène à parler de démocratie. Il s'agit là d'un passage obligé pour que le Québec se décoince et soigne le mal qui le ronge: cynisme, crise de confiance, désintérêt à l'égard de la politique.

Les dernières années ont été particulièrement éprouvantes avec leurs lots de problèmes éthiques, de percutantes allégations de corruption et de manque de transparence. Elles ont été marquées par des mobilisations citoyennes d'une ampleur inégalée (gaz de schiste, Jour de la Terre, pétitions réclamant une commission d'enquête, crise étudiante, loi spéciale brimant les libertés civiles, manifestations contre les budgets) témoignant du malaise citoyen et de la volonté d'être entendu, écouté, respecté.

À une déjà longue liste de ratés s'ajoute la perception d'une iniquité fiscale grandissante avec comme porte-étendards la taxe santé et les tarifications galopantes. S'ajoutent aussi l'atteinte aux droits civiques engendrée par la loi d'exception (78) et un mode de scrutin infect qui méprise le verdict populaire en permettant de gouverner sans partage, même avec une minorité de voix, alors que le tiers des votes confiés par les citoyens aux tiers partis ne sont pas pris en compte.

Pour changer tout cela, il nous faudra certes être stratégique, mais il faudra aussi que les partis politiques s'engagent fermement à redonner le pouvoir aux citoyens, à rassembler plutôt qu'à diviser, à mettre de côté l'intérêt partisan pour laisser place au bien commun et à rouvrir rapidement le chantier laissé en jachère des grandes réformes démocratiques qui n'ont pas été complétées.

Le pouvoir politique doit redevenir le symbole de notre capacité d'agir comme peuple. Il doit cesser d'être perçu comme le pouvoir des autres. Pour y arriver, il faudra plus que du discours.

La loi sur le financement des partis politiques doit retrouver son sens originel tout en laissant un espace pour un financement populaire signe d'engagement et de contrôle citoyen sur la politique. Les occasions d'initiatives populaires doivent être valorisées et encouragées. Faire confiance au peuple est dans le droit fil de la légitimité démocratique. Mieux vaut un référendum d'initiative populaire bien balisé qu'une pétition fourre-tout réclamant la démission du premier ministre pour son obstination à refuser une enquête publique, mais aussi pour tout et son contraire.

Rapidement, il faut restaurer les libertés civiles, s'engager à tenir des élections à date fixe et à revoir le mode de scrutin pour redonner un sens aux choix citoyens. Quand le consensus s'effrite sur la valeur de la démocratie représentative et que, tant chez les partisans de la loi et de l'ordre que chez les anarchistes, on oppose démocratie représentative à démocratie participative, il y a urgence d'agir. Il n'y a aucun avenir à opposer la rue au vote ou au pouvoir délégué à un gouvernement!

S'il y a une approche dont nous devons nous méfier, c'est bien celle d'une invitation à voter, puis à docilement rentrer dans nos terres pour les quatre prochaines années. Elle aura conduit le Québec dans une des pires crises sociales qu'il ait connues et aura mené à sa paralysie durant plusieurs mois.

Reste à se demander, au début de cette campagne électorale, si la proposition véhiculée par la CAQ nous demandant de renoncer à l'aveugle à tout débat et choix politique plus fondamental, au nom d'une longue cure de saine gestion à s'imposer au préalable, n'est pas de même nature.

Le Québec d'aujourd'hui a de nombreux défis à relever. Il a un profond besoin de changement. Jamais cependant il ne pourra aller aussi vite et aussi loin que requis sans que les citoyens ne se réconcilient avec le pouvoir. Les élections sont une occasion à saisir.