L'histoire du Québec regorge de leaders qui transcendaient la politique et étaient en mesure de passer de politiciens à hommes d'État quand la situation l'exigeait.

Ils étaient loin de faire l'unanimité tant dans leurs propos que dans leurs actions, mais ils savaient imposer le respect. Leur autorité n'était pas seulement une autorité légale gagnée par des élections, mais aussi une autorité morale gagnée par la force de leur caractère et leur vision de la société.

Aujourd'hui, le Québec est peut-être encore riche en politiciens, mais il est devenu pauvre en hommes d'État. Nous vivons à une époque où personne n'est en mesure de prendre le taureau par les cornes et d'imposer des solutions lorsque la situation l'exige. Tout est calcul politique et tout ce qui compte est de prendre le pouvoir quel qu'en soit le coût.

Le résultat de ce vide devient de plus en plus palpable quand on regarde le taux d'insatisfaction des Québécois vis-à-vis leurs leaders politiques. Habituellement, les résultats d'une élection règlent les dossiers épineux qui créent division, et on passe à autre chose.

Pourtant, il y a de fortes chances que ce ne soit pas le cas avec les prochaines élections à cause du manque évident de leadership des chefs des deux principaux partis. Je mets de côté pour le moment la Coalition avenir Québec parce que ce parti est nouveau et n'a pas encore passé l'épreuve de l'exercice du pouvoir. Il y a toutefois une possibilité que François Legault devienne éventuellement le leader recherché, mais il reste tout un chemin à parcourir avant.

Donc, d'une part, il y a Jean Charest, dont le parti est usé à la corde après neuf années de pouvoir, neuf années durant lesquelles il a gouverné le Québec, mais ne l'a pas inspiré. D'ailleurs, je lance un défi à quiconque de me définir en deux mots ce qu'a été le règne de Jean Charest à ce jour, outre les scandales et le conflit étudiant.

On dit de lui qu'il a neuf vies. C'est vrai, mais cela n'en fait pas un homme d'État pour autant. Sa façon de naviguer à vue sans trop de planification à travers la crise étudiante démontre clairement son manque de vision. Dans une société comme la nôtre, où l'alternance est la meilleure garantie du maintien d'une saine démocratie, la force de Jean Charest ne tient qu'à la faiblesse de ses adversaires, tant ceux de son propre parti que ceux des partis d'opposition.

D'autre part, il y a Pauline Marois que je ne peux tout simplement pas voir dans le fauteuil de première ministre du Québec, non pas parce qu'elle est une femme, mais parce qu'elle est Pauline Marois. J'ai beau essayer, je n'y arrive pas.

Le meilleur exemple de son opportunisme mal placé tient à sa décision de porter le fameux carré rouge. Non pas que ce soit mal en soi, mais plutôt parce que le leader d'un parti politique qui aspire à prendre le pouvoir doit se méfier de ce qu'un symbole peut représenter. Et le carré rouge ne représente pas seulement le symbole d'une prise de position contre la hausse des droits de scolarité, mais aussi le symbole d'un fourre-tout qui va jusqu'à la désobéissance civile.

Devant les résultats désastreux du règne de Jean Charest, il n'y a aucune raison pour que le PQ ne soit pas largement en avance dans les intentions de vote, considérant que l'alternance est la meilleure expression de la démocratie. Cependant, ce n'est pas le cas et Pauline Marois, par son manque de leadership, est peut-être en train de redonner le pouvoir à un Jean Charest qui ne le mérite pas.

Dommage, mais le Québec n'est vraiment pas sorti du bois. Jean Charest et Pauline Marois devraient revoir leur façon de faire de la politique partisane et apprendre à s'élever au-dessus de la mêlée.