Un jour à marquer d'une pierre blanche approche pour le dernier prisonnier occidental à la base de la baie de Guantánamo: demain marque le 10e anniversaire de l'échange de feu sanglant ayant mené à la capture d'Omar Khadr, citoyen canadien, ancien enfant soldat.

Recruté à l'âge de 13 ans, blessé par balle et fait prisonnier deux ans plus tard, Omar Khadr connaît un parcours qui a de quoi rendre furieux.

Enfant, Khadr est contraint par son père à partir en Afghanistan et à devenir membre d'Al-Qaïda. On pense que, durant un raid contre son enceinte, le jeune de 15 ans a lancé une grenade qui a tué le sergent Christopher Speer, soldat des forces stratégiques de Delta Force et infirmier militaire des forces spéciales. Huit ans plus tard, Kadhr a plaidé coupable.

Mais on a bafoué les droits de Khadr à maintes reprises durant la décennie écoulée, et ce dès le départ: droit à des garanties juridiques et à un procès équitable; droit d'être à l'abri de la torture; et, le plus choquant peut-être, droits découlant de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Après avoir tergiversé pendant des années, le Canada a finalement consenti à son retour en 2010, exigeant toutefois qu'il purge une année additionnelle à Guantánamo. L'année est achevée, mais la demande de transfèrement continue à accumuler la poussière sur le bureau du ministre, en attente de signature. La dernière déclaration du ministre Toews voulant qu'il ait besoin de plus d'information manque de sincérité et est tout simplement une tentative pour disculper son échec à prendre une décision. Ceci est inacceptable.

Les États-Unis, qui n'ont pourtant pas la réputation de porter les terroristes dans leur coeur, ont publiquement demandé au Canada d'accepter le transfèrement. La patience de notre ami et allié le plus proche a ses limites. Pendant combien de temps les États-Unis supporteront-ils encore les retards et l'indifférence du Canada?

Il y a une chose cruciale à garder à l'esprit dans tout cela: Omar Khadr est la victime. Qui a choisi de quitter Toronto pour l'Afghanistan? Pas lui, des adultes. Qui a choisi de rejoindre Al-Qaïda? Pas lui, des adultes. C'est pourquoi les lois internationales sont conçues pour cibler les auteurs du crime, ceux qui l'ont recruté au départ. C'est pourquoi, dans les pays déchirés par la guerre, les tribunaux ciblent ceux qui recrutent et exploitent les enfants, pas les enfants eux-mêmes.

Prenez le seigneur de guerre congolais Thomas Lubanga, condamné ce mois-ci par la Cour pénale internationale à 14 ans de prison pour «avoir procédé à l'enrôlement et la conscription d'enfants de moins de 15 ans» et «les avoir fait participer activement à des hostilités». Son parcours a commencé en même temps que celui d'Omar Khadr, il y a une décennie.

Le verdict est celui qu'on espérait; la peine imposée, non. Le procureur de la CPI, Luis Moreno Ocampo, avait requis 30 ans de prison; mais Lubanga, pourtant adulte, passera seulement encore 8 ans derrière les barreaux, après 6 ans d'incarcération.

Comparez avec Omar Khadr, un enfant à l'époque de sa capture, condamné en 2010 à huit ans de prison supplémentaires alors qu'il était incarcéré depuis 2002. Même poids, même mesure pour l'auteur du crime et sa victime. Cherchez l'erreur!

En ce dixième anniversaire, notre société doit faire le point et se demander comment elle a bien pu laisser cela arriver.

Le Canada évite toujours de respecter ses responsabilités au vu du droit international (et sa propre promesse) et de rapatrier Omar Khadr, ressortissant canadien. C'est le seul pays à se distinguer ainsi.

M. Dallaire est sénateur, lieutenant-général retraité et ex-commandant de la Force de la mission des Nations unies pour l'assistance au Rwanda. Mme Whitman est directrice de l'Initiative enfants soldats.