Un dithyrambique communiqué de presse de la SAQ claironnait récemment que le bénéfice de la dernière année financière avait augmenté de 9,8% grâce, notamment, à un contrôle serré des dépenses de ventes, de distribution et d'administration «résultant des efforts d'optimisation déployés par l'ensemble des employés de la SAQ», ces dépenses n'ayant augmenté que de 0,6%.

Or, la lecture des entrailles du rapport annuel (page 57) révèle que la SAQ semble avoir «oublié» de mentionner dans son communiqué qu'une raison importante de cette embellie est le gain par notre monopole des alcools de sa cause en Cour d'appel relativement à l'application de la Loi sur l'équité salariale. Ce gain a généré un renversement non récurrent d'une dépense de 12,1 millions$, gonflant ainsi d'autant les profits de l'année. En recalculant les chiffres pour exclure ce cadeau de la cour d'appel (et même en tenant compte du fait que l'exercice 2012 comptait une semaine de plus que l'exercice précédent), on constate que malgré le «contrôle des dépenses de ventes, de distribution et d'administration», celles-ci ont en fait augmenté en pourcentage trois fois plus vite que ce qui était annoncé dans le communiqué de presse... Une fois ces réajustements tenus en compte, on conclut que la hausse de profit est «surévaluée» de 35%.

La SAQ continue donc, malgré son discours enthousiaste plaisant sans doute à ses maîtres politiques, de générer une performance médiocre. Ses frais d'exploitation rajustés par dollar de vente se sont élevés à 18,4¢, représentant environ 80% de plus que ceux des grandes chaines de distribution alimentaire québécoise. La SAQ dépense 31% de plus pour la rémunération de son personnel par dollar de vente que sa consoeur ontarienne, la LCBO, qui est loin d'être un modèle d'efficacité. Le rendement des ventes par pied carré de succursales, une mesure communément employée dans le commerce de détail, n'est que de 1508$ au Québec. Celui de la LCBO était de 21% supérieur l'an dernier. Malgré tout, la SAQ engrange des marges de profits exceptionnelles. Pourquoi? Tout simplement parce qu'elle refile la facture de sa mauvaise gestion aux consommateurs qui, tenus en otage par ce monopole, ne peuvent magasiner avec leurs pieds et faire leurs achats ailleurs.

Comment améliorer la performance de la SAQ? Certains ont suggéré de la privatiser. Ils ont tort: un monopole privé demeure aussi inefficace qu'un monopole public. Il faut plutôt la soumettre à une saine concurrence. L'exemple de la Belgique est éclairant. Le marché y est libéralisé et on y trouve trois fois plus de diversité pour le tiers du prix. Certains craignent que la concurrence ne nuise aux juteux dividendes que reçoit le trésor québécois. Or, l'État québécois n'a pas à être perdant d'une mise en concurrence puisqu'il pourrait retirer les mêmes revenus par l'imposition d'une taxe provinciale unique (appelée «flat markup») en fonction de la teneur en alcool de chaque boisson vendue. Ainsi, en Alberta - qui a privatisé la vente au détail -, la vente d'alcool rapporte plus à la province, toutes proportions gardées, que ce que les gouvernements du Québec ou de l'Ontario obtiennent avec leurs monopoles intégrés, tout en offrant aux consommateurs un plus grand nombre de succursales et de produits disponibles.