Le jugement de la Cour suprême des États-Unis sur la réforme de l'assurance maladie est une triple victoire pour le président Obama: victoire légale bien sûr, d'autant plus que l'aspect le plus controversé de la loi, le mandat individuel, est maintenu, mais également victoire morale et surtout victoire politique. En effet, l'affirmation de la constitutionnalité de l'Obamacare par la plus haute cour de justice américaine devrait calmer, au moins temporairement, ceux qui critiquaient ce programme et remettaient en cause la légitimité des décisions du président, soutenant que l'obligation pour les citoyens d'adhérer à une assurance maladie allait à l'encontre des voeux des Pères fondateurs.

Le jugement est également une victoire politique. Elle forcera les républicains à changer de discours durant la campagne menant à l'élection présidentielle du 6 novembre prochain, puisque la constitutionnalité de la loi n'est plus à discuter (parions cependant sur l'arrivée massive du mot «taxe» dans les discours et publicités des républicains). Cette victoire risque toutefois d'être temporaire; les républicains de la Chambre des représentants vont tenter encore une fois d'abroger cette loi dans les semaines à venir.

Ces trois victoires, qui doivent réjouir Barack Obama, ne se transformeront pas nécessairement en gain électoral pour le président. En fait, c'est le contraire qui, paradoxalement, aurait mieux servi le démocrate: si l'Obamacare avait été jugé inconstitutionnel, la base militante des républicains aurait vraisemblablement été démobilisée puisque c'est là son cheval de bataille principal depuis 2010. En plus, certains analystes prévoyaient que l'économie américaine aurait profité d'un jugement contre l'Obamacare, renforçant alors les chances du président d'être réélu, l'économie déterminant presque toujours l'issue de l'élection présidentielle. Dans le cas présent, toutefois, deux scénarios sont possibles.

Un premier scénario pourrait favoriser légèrement le président, notamment en raison du fait qu'une autre décision de la Cour suprême, rendue lundi dernier, affirmait la prépondérance du fédéral sur les États concernant les lois sur l'immigration. Ces deux décisions combinées donneront sans doute une image plus forte du fédéral et mettront à mal certains arguments invoqués par les plus radicaux des républicains et par plusieurs membres du Tea Party selon lesquels le gouvernement fédéral s'immisce de manière éhontée dans les prérogatives des États et dans les libertés des individus. Étant donné que les élections n'auront lieu que dans quatre mois - temps très long en politique -, il est possible que cet avantage s'effrite rapidement, rendant son effet peu décisif sur les résultats du scrutin.

Un deuxième scénario postule que le jugement de la Cour suprême pourrait plutôt nuire aux chances d'Obama puisque les républicains seront plus convaincus que jamais de la nécessité d'abolir ce programme. Comme cet enjeu est le plus polarisant au sein de la société américaine à l'heure actuelle (8 républicains sur 10 sont contre, 8 démocrates sur 10 sont pour) et impopulaire auprès de la population (48% des Américains sont contre l'Obamacare, 43% sont pour et 60% désapprouvent l'obligation de souscrire à une assurance maladie avant 2014 sous peine de pénalité), il est possible que les républicains réussissent à mobiliser les électeurs lors du scrutin qui deviendrait alors un référendum sur l'Obamacare.

Barack Obama doit tirer une leçon de cet épisode mouvementé de la politique américaine: il doit impérativement modifier sa façon de communiquer avec les Américains. Incapable d'expliquer et de vendre l'Obamacare aux citoyens, incapable de défendre ce programme devant les législateurs, il risque de traîner cette loi comme un boulet jusqu'aux prochaines élections. Si l'économie s'améliore durant l'été et au début de l'automne, l'Obamacare perdra de son importance lorsque les électeurs se rendront voter. Sinon, il pourrait devenir à la fois la plus grande réussite et la plus terrible défaite de son administration.