Je me suis réveillée à 5h30 vendredi dernier. Moi qui cours pourtant après chaque minute de sommeil supplémentaire lorsque mes deux jeunes enfants se réveillent plus tard! Incapable de me rendormir, j'ai commencé à penser à ce que je pourrais bien offrir à mon père pour la fête des Pères. Je sais pertinemment qu'il déclare toujours à ma soeur et moi: «Votre présence me suffit», avec un sourire dans la voix. Honnêtement, je finis toujours par lui acheter une belle chemise d'été, mon père détestant magasiner.

Puis au fil de ma rêverie, je me suis dit que je pourrais lui dire merci.

Merci, car il a travaillé 37 ans de sa vie au même endroit, se tirant du lit à 5 heures du matin et traversant la ville pour se rendre à son emploi.

Merci parce qu'il a su, en compagnie de ma mère bien sûr, payer des études universitaires à ses deux filles. Oh, ce n'est pas ce que vous pensez: il ne faisait pas un si gros salaire, et ma mère était à la maison à s'occuper de nous et d'autres enfants. Néanmoins, j'ai l'impression qu'il se sacrifiait pour nous, en portant les mêmes jeans ou le même manteau pendant des années. Mes parents ne recevaient pas au jarret d'agneau ou à l'osso buco, n'ajoutaient pas de truffe râpée sur le risotto. Et de mon côté, je ne me promenais pas, étant étudiante, avec un iPhone (ça n'existait pas de toute façon!) ou des vêtements de marque, et je ne fréquentais pas les restos branchés.

Vous me voyez venir: je ne porte pas le carré rouge. À part le gouvernement par contre, il est rare de voir, de lire ou d'entendre quelqu'un qui soit pour la hausse des droits de scolarité. Il faut commencer par voir plus loin que le bout de notre nez. Je suis persuadée que nous sommes privilégiés au Québec d'avoir l'opportunité de poursuivre des études de haut niveau avec un investissement raisonnable de la part des étudiants. On ne se saigne pas à blanc comme aux États-Unis!

Cela dit, la grogne envers le gouvernement Charest est totalement justifiée, mais je l'appuie concernant cette hausse. Assez étonnamment, dans mon entourage aussi ces commentaires sont fréquents, mais les gens n'osent pas afficher leurs couleurs par crainte de représailles de quelques têtes brûlées. Fait assez troublant en démocratie, n'est-ce pas?

Mon père était fils d'agriculteur et rien ne prédisposait à quitter sa campagne natale pour aller étudier à Trois-Rivières dans les années 60: pas de ressources familiales, pas d'argent, personne dans son entourage ayant étudié au cégep ou à l'université. Seulement sa vision que l'éducation pouvait améliorer sa situation.

Je n'ai donc aucun mérite - à part celui d'avoir étudié fort et réussi mon bac - pour la vie que je mène et le fait que je gagne bien ma vie en faisant le métier que j'aime. Tout le mérite revient à mon père (et à ma mère bien entendu, ne faisons pas de jaloux!). Cette lettre est donc son cadeau... et je lui cuisinerai certainement aussi un shortcake aux fraises pour accompagner le tout.

Je t'aime papa, merci.