Régis Labeaume se fait, depuis quelque temps, le porte-étendard des revendications patronales du milieu municipal au Québec. Quand on regarde sa stratégie et son mode de fonctionnement, on ne peut s'empêcher de faire un rapprochement avec le héros de Cervantes qui se lance en guerre contre les moulins à vent.

En effet, une des premières décisions prises par notre héros dans le domaine des relations du travail municipal a été de se dissocier de l'association qui regroupe la plupart des patrons municipaux, à savoir l'Union des municipalités du Québec (UMQ) et, par le fait même, de ne pas participer ni utiliser les services mis à la disposition des municipalités en matière de relations du travail (le Centre de ressources municipales).

Peu de temps après son élection, Don Quichotte Labeaume a claqué la porte de l'association patronale sous prétexte qu'il n'était pas écouté et qu'il n'en avait pas pour son argent. Il ne voyait aucun avantage à s'allier avec des municipalités comme Laval, Longueuil, Sherbrooke pour mener le combat des relations du travail.

Je suis la voie, la vérité, la vie et moi, dit-il, je vais montrer à tout le monde comment on règle ces problèmes, je vais faire la guerre seul avec les ressources de la Ville de Québec.

Fort de cette approche du chevalier sans peur, il s'attaque à son premier moulin à vent : l'inclusion des postes de lieutenant et de capitaine dans les unités d'accréditation des pompiers.

Cette problématique, presque toutes les municipalités qui ont un corps de pompiers la vivent depuis toujours. De nombreuses décisions sur cette question ont été rendues par la Commission des relations du travail.

Notre Don Quichotte a donc entrepris de faire les démarches juridiques pour faire exclure les lieutenants et capitaine de pompier de l'unité d'accréditation, ce qui donnerait à la Ville de Québec un taux d'encadrement autour de 1 cadre pour 3 employés.

Plusieurs dizaines de milliers de dollars des contribuables de la Ville de Québec en honoraires ont été engouffrés dans ce dossier par notre héros.

Au lieu de s'élancer tout seul au combat, pourquoi notre maire n'a-t-il pas tenté de s'allier aux autres patrons municipaux et de faire faire le travail par le CRM financé par tous ceux que le combat intéresse. Non ! Cette façon de faire ne procure aucune gloire.

Mais notre maire, en mal de se mettre à l'avant-scène, s'attaque maintenant à un autre moulin à vent : l'accès au droit de lock-out des municipalités. Sa première attaque se fait en licenciant en avril dernier 162 employés auxiliaires quelques heures avant un vote de grève. La Commission des relations du travail constate qu'il s'agit d'une manoeuvre pour amener le syndicat des cols bleus à accepter les offres de la Ville à la table de négociation. Il s'agit clairement d'un lock-out illégal qui coûte près de 200 000 $ en remboursement pour du travail perdu par les salariés licenciés.

Probablement pour compenser cette défaite cuisante pour notre héros, il décide d'attaquer de front le droit au lock-out. Pour rééquilibrer le rapport de force des municipalités, il faut donner le droit à l'employeur de fermer la boutique, nous dit-il.

Il y a lieu de noter ici que notre patron en chef entreprend cette guerre encore une fois sans avoir tenté de quelque manière que ce soit, d'obtenir l'appui des autres patrons du secteur municipal.

Pourquoi ne pas avoir soulevé cette question à l'UMQ et y avoir sollicité l'appui de d'autres municipalités et pourquoi ne pas avoir chargé le CRM de faire une étude exhaustive de cette question avant de prendre position ou de suggérer un amendement à la loi ?

Ce n'est clairement pas une façon de faire de notre héros solitaire. En haut de sa monture, il montre aux autres le chemin à suivre.

Il oublie que le droit de grève dans les municipalités est conditionné par l'obligation de maintenir les services essentiels. Depuis que la loi a imposé cette règle, les municipalités, chacune de leur côté, ont fait demande sur demande pour que des services municipaux soient considérés comme essentiels.

Leur stratégie visait à faire en sorte qu'un minimum de salariés puisse exercer, dans les faits, leur droit de grève et limiter ainsi l'impact de la grève. L'effet premier de cette approche fait en sorte que beaucoup de salariés continuent à recevoir leur salaire pendant la grève.

Par ailleurs, en conditionnant l'exercice du droit de grève au maintien des services essentiels, le législateur devait décider qui serait responsable de respecter cette obligation. Il a clairement et uniquement dévolu cette responsabilité au syndicat et il a aussi lié la possibilité de faire la grève au maintien, en tout temps, de ces services.

Si on donnait à l'employeur le droit de décréter un lock-out, il faudrait aussi lui imposer l'obligation de maintenir les services essentiels. Quelle serait alors la pénalités imposé à l'employeur qui ne serait pas capable de maintenir ces services ? La suspension de son droit de lock-out ?

Dans une municipalité, les services, qu'ils soient considérés essentiels ou non, sont donnés par les salariés.  Bonne chance à l'employeur qui fait un lock-out et qui veut contrôler qui va travailler, quand, où et sur quoi.  

Mais le maire Labeaume ne craint rien et ne voit aucune difficulté là-dedans. Regarder moi faire, vous allez voir comment on peut faire cela.

Autre champ de bataille pour notre héros: l'arbitrage des conventions collectives des pompiers et de policiers.

Depuis des années les policiers et pompiers ont, à travers le processus d'arbitrage de leurs conditions de travail, réussis à se tailler une place enviable dans le marché du travail.

La qualité de leur conditions de travail a même eu un impact à la hausse sur l'ensemble des salariés des municipalités au Québec. On peut dire que les syndicats de pompiers et de policiers ont réussi à tirer profit de ce mécanisme de détermination de leurs conditions de travail.

Mais cette constatation n'est pas le fruit du hasard. Depuis des décennies, les fédérations de syndicat de pompiers et de policiers consacrent d'énormes ressources à la préparation de ces arbitrages. Devant eux, devant ces arbitres, ils ont toujours eu un employeur éparpillé qui n'avait pas de stratégie générale et qui mettait comparativement que très peu de ressources pour faire valoir ses arguments.

Face à cette situation, le gouvernement du Québec a déjà légiféré (loi 170 sur les fusions municipales, articles sur ce sujet jamais promulgués)  pour  obliger les municipalités à s'organiser pour affronter à armes plus égales les syndicats de pompiers et de policiers.

Il semble qu'actuellement, le CRM oeuvre dans ce sens et coordonne les efforts des municipalités devant les arbitres.

À cette façon de faire, notre Don Quichotte national n'y croit pas. Pour lui, il faut changer le système, nommer des arbitres permanents, changer les règles pour fixer les conditions de travail.

Quelles que soient les règles du jeu, n'est-il pas évident que la construction d'un meilleur rapport de force pour les patrons passe par le regroupement, la concertation et la mise en commun de ressources ?

Pas pour Régis.

Enfin,  notre ami s'attaque à un «gouffre abyssal» : les régimes de retraite des employés des municipalités. Il oublie que ces régimes de retraite sont des fonds qui sont généralement gérés par des comités paritaires employeur-employés. Ils ont été mis en place par les parties et comportent des engagements légaux envers les cotisants. Certes, ces engagements peuvent devenir très lourds financièrement, surtout en regard des dernières crises financières. Encore une fois, notre maire, comme employeur, n'est pas le seul à vivre cette situation.

Ne serait-il pas opportun de réunir les municipalités du Québec pour envisager ensemble les mesures pour faire face à cette situation ?

Non, trop long, trop compliqué, dit le maire Labeaume, moi je sais quoi faire, suivez moi...