Pourquoi plus de 2600 employés d'Aveos (d'ex-employés d'Air Canada) sont-ils sans emploi aujourd'hui? Selon M. Jeanniot (qui a joué un rôle important dans la privatisation d'Air Canada en 1988), Air Canada est le bon samaritain dans cette histoire et devrait mériter une médaille d'honneur pour avoir maintenu Aveos en vie durant tant d'années.

Je représente les employés d'Aveos, ceux-là mêmes qui ont été mis à pied sauvagement le 18 mars dernier par téléphone et sans préavis, bousculés par la police (antiémeute) lors de manifestations pacifiques, et traînés devant les tribunaux pour avoir, selon Air Canada, entravé la voie publique, privant ainsi ses gestionnaires d'accéder à leurs bureaux.

Je suis d'accord avec M. Jeanniot lorsqu'il affirme que les travailleurs ont fait d'énormes concessions dans les 10 dernières années, un sacrifice pour lequel ils n'ont jamais été récompensés, malgré une distribution de plus de 5 milliards de dollars aux actionnaires d'ACE Aviation. Et aussi que les Services techniques Air Canada (devenus Aveos par la suite) étaient des centres d'excellence détenant une réputation fort enviable sur le marché.

Par contre, ce sont les seules affirmations avec lesquelles je suis en accord.

1. En 2004, Air Canada n'a jamais mis à profit l'argent de la vente de ses unités (Jazz, Aeroplan, Services techniques) pour assurer sa relance. Aujourd'hui, la société est une coquille vide, alors que les actionnaires d'ACE Aviation ont les poches pleines.

2. Air Canada n'a pas vendu les Services techniques Air Canada en 2007 afin d'assurer sa croissance. Au contraire, le but de cette vente était tout simplement de se débarrasser de la maintenance en la confiant à des sous-traitants situés dans des pays en émergence comme le Salvador. ACE Aviation y avait fait l'acquisition d'Aeroman un an plus tôt. M. Charam Bolouri (président des Services techniques Air Canada en 2007) avait annoncé que la révision générale se dirigeait aussi vers ce pays. Aveos est plus vivante que jamais au Salvador, alors qu'elle est maintenant chose du passé au Canada.

3. En 2010, la crise financière mondiale a frappé la plupart des institutions financières américaines, dont les deux propriétaires majoritaires d'Aveos, les firmes de placement américaines KKR et Sageview Capital. Air Canada n'avait d'autre choix que de soutenir Aveos financièrement: les employés travaillant chez Aveos étaient toujours des employés d'Air Canada et ils le sont demeurés jusqu'au 14 juillet 2011. Si Aveos avait fait faillite à cette époque, Air Canada aurait été obligée de reprendre la maintenance et, par conséquent, ses employés, ce qui contrecarrait son plan initial, qui était celui de se défaire de ses employés.

4. Air Canada a contribué à la chute d'Aveos en 2012. Selon des sources très fiables, Air Canada devait plusieurs millions à Aveos. Comme elle louait ses installations à Aveos à des prix exorbitants, celle-ci a été obligée de trouver des installations à meilleur prix et, donc, de dépenser plusieurs millions en déménagement. Le plan était écrit d'avance.

La Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada, selon laquelle les centres d'entretien et de révision doivent être maintenus à Montréal, Winnipeg et Toronto, est bafouée à l'heure actuelle. Cette loi est la seule façon de forcer Air Canada à conserver l'entretien de ses appareils au Canada. En demandant au juge responsable du dossier de la faillite d'Aveos d'annuler tous les contrats la reliant à Aveos pour les années à venir, Air Canada se montre maintenant sous son vrai jour. Si le juge accorde cette demande, les investisseurs potentiels n'auront aucune garantie qu'Air Canada leur fournira du travail.

Tout comme M. Jeanniot, je reconnais l'importance d'axer nos efforts sur l'obtention d'investisseurs solides qui pourront effectuer l'entretien des avions - plus de 250 - de notre transporteur national. Pour cela, il faudrait qu'Air Canada respecte l'esprit de la loi.