Mon fils, je t'écris parce que j'ai besoin de temps pour trouver les bons mots pour ce que j'ai à te dire. Je voudrais très fort que tu lises ce message jusqu'au bout. Que tu le relises encore après, pour bien saisir mes intentions.

Je t'aime. Cette réalité est indéniable. Tu es, toi, ton frère et ta soeur les êtres pour qui je ferais tout. C'est pour ça que je t'écris.

J'ai vu une publicité à la télévision. Pour la première fois, j'ai compris qu'elle s'adressait aux personnes qui deviennent d'innocentes victimes. Nous les parents, ta famille élargie, ton entourage, tous ceux qui t'aiment et que tu aimes.

Dans cette pub, il y a deux personnes assises l'une en face de l'autre. Deux frères. L'un parle à l'autre et l'autre lui pose toujours la même question. Il a, depuis plusieurs années, perdu l'usage de sa mémoire à court terme... À très court terme. Il ne retient aucune information plus de 30 secondes. Et dans son cas, c'est une grande amélioration. Durant quelques années, il ne se souvenait pas de ce qu'on venait tout juste de lui dire. Cette partie de son cerveau a gravement été affectée par un accident de voiture. Il n'a aucune autonomie, il ne peut même plus rêver. Il n'a plus d'avenir. À 20 ans, le reste de sa vie va être bien long.

Il roulait trop vite, sans s'attacher.

Continue à lire, je t'en prie. Fais ça pour moi.

Je ne vais pas te parler de statistiques puisque nous les connaissons tous. Non plus du développement du cerveau qui se fait plus lentement chez les garçons. Les derniers réseaux finissent de se tisser vers l'âge de 25 ans. Cela veut dire que, souvent, ce sont les impulsions qui mènent à des comportements irrationnels. C'est de ça dont je vais te parler.

Pense à nous, à ta famille, mais surtout à toi. À la fragilité de la vie.

Ta soeur m'a dit qu'elle était inquiète de la façon dont tu comportes au volant. Tu roules vite, sans respecter les limites de vitesse, sans ceinture attachée... Elle est inquiète parce qu'elle t'aime.

Je t'ai souvent fait part de mes craintes. Je ne veux pas te perdre. Pense à ton frère qui aurait pu perdre la vie en 2008. C'est presque un miracle qu'il n'ait pas eu de conséquence grave à la suite de cet accident.

Perdre la vie, c'est définitif et dévastateur pour ceux qui restent. Mais demeurer handicapé pour la plus grande partie de ta vie, ça l'est pour toi aussi. Essaie juste de t'imaginer cloué dans un corps qui ne répond plus, abandonné par la vie... par ta propre faute.

Pense à tes amis qui te font confiance, qui ont eux aussi confiance en la vie qui s'ouvre devant vous. Imagine ta vie, si tes amis perdent la leur, en montant dans ta voiture... Tu as la responsabilité de leur sécurité. Pense aux remords que tu devras porter sur tes épaules pour le reste de tes jours. Ça te sera tellement insupportable.

Attachez votre ceinture de sécurité... de grâce. Un simple clic. Deux secondes de votre temps.

Ça ne sauve pas toutes les vies. La vitesse, l'alcool et bien d'autres causes encore ont fait bien des ravages, mais ça en préserve plus que moins.

Je ne sais pas ce qu'il adviendrait si la route t'arrachait à moi. Je veux vraiment que tu comprennes que la vie est bien fragile, mais elle peut être magnifique quand on a encore tout ce qu'il faut pour en faire ce qu'on veut.

La décision t'appartient. Je ne vais pas te rappeler constamment d'être prudent. C'est à toi de le faire, de te conduire comme un être qui réfléchit aux conséquences de ses actes.