L'impasse devant laquelle nous nous trouvons collectivement, à l'issue des négociations rompues, va, inéluctablement, nous condamner tant sur le plan économique que politique. Déjà entendu: Montréal, son image à l'étranger, ainsi que ses activités économiques estivales vont être de plus en plus mises à mal. Le Grand Prix est dans la mire, les Festivals qui suivent le sont également.

Il n'est pas difficile d'imaginer que la conséquence, dont nous n'entendons encore personne envisager la probabilité, est que le symbole du carré rouge se retrouvera bientôt et invariablement identifié à cette déroute, puisque c'est lui qui est visible dans les rues où se trame justement le drame en question.

À l'heure des bilans, le prix de la paix sociale et celui du coût économique seront si élevés que l'opinion publique cherchera nécessairement des boucs émissaires.

Sur le plan politique, la réponse aux débordements et à la «désobéissance civile» ne pourra être autre chose, à moyen et à long terme, que l'affermissement de la ligne dure, engendrant dans son sillon une justification croissante d'une réponse à droite, avec tout ce que l'on peut imaginer d'excès.

Et vlan dans les dents, notre société québécoise tolérante, souvent affublée de qualités d'accueil et d'ouverture, verra rapidement glisser ces vocables-là, qui seront remplacés par d'autres, sûrement moins reluisants.

Face à ces deux constats, n'est-il pas temps d'imaginer des solutions qui maintiendraient à la fois la pression à la négociation et le discours populaire, tout en préservant l'intégrité de nos acquis de société?

À l'heure des solutions, donc, je me permets d'en avancer une: celle d'une activité nocturne quotidienne, où l'on troquerait le tintamarre pour le silence, la nuit pour la lumière.

La montagne, lieu symbolique s'il en est un, pourrait être le théâtre d'une vigile silencieuse, au flambeau, à la chandelle. Imaginons, soir après soir, entre 2000 et 5000 personnes qui viendraient s'asseoir sans bruit, sans discours, sans rien d'autre que leur présence pacifique et assidue, sur le versant du parc Jeanne-Mance. Une contestation émouvante et silencieuse dont l'image inédite, par le nombre des participants, ainsi que par sa répétition, signalerait quelque chose de puissant, d'incontournable, quelque chose qui manifesterait la maturité de la réflexion, la force de la lame de fond.

Le centre-ville serait dégagé, la violence anticipée éliminée et puis, comme une ritualisation évocatrice des résistances passives et pacifiques mémorables de notre Histoire moderne, cette vigile des «consciences allumées» deviendrait un symbole indiscutable de l'état des lieux.

Le silence «actif» de la montagne illuminée serait assourdissant.

N'est-il pas, en effet, plus difficile de contraindre une montagne de flambeaux que de bloquer une rue avec un cordon antiémeute?