Le monde de l'aviation civile vit depuis une vingtaine d'années une transformation peu commune. La volatilité des coûts du carburant, les pressions environnementales, les préoccupations envers la sécurité, les redevances et taxes excessives, ainsi que l'apparition des transporteurs à rabais ont forcé les compagnies aériennes à se restructurer et à repenser leur fonctionnement pour assurer leur survie.

Et encore une fois, malheureusement, un bon nombre de lignes aériennes se voient dans l'obligation de demander des concessions majeures à leur personnel.

Une des tendances les plus significatives a été la décision par un grand nombre de compagnies aériennes de confier l'entretien majeur de leurs appareils à des firmes spécialisées de manière à diminuer leurs coûts. D'importants centres de maintenance, réparation et révision d'aéronefs ont été créés partout dans le monde. L'entretien des avions est devenu une industrie en elle-même.

Il y a plusieurs années, les centres de services techniques d'Air Canada de Montréal et de Winnipeg s'étaient forgé une réputation fort enviable sur le marché, suffisamment pour attirer des contrats provenant de l'extérieur. L'avenir s'annonçait suffisamment bien pour entrevoir la création d'une unité distincte et rentable.

Mais en 2004, Air Canada était dans une impasse financière majeure et, dans le cadre d'une restructuration sanctionnée par les tribunaux, ses créanciers ont imposé, pour la survie de l'entreprise, le regroupement d'entités distinctes pour être revendues, de façon à générer les fonds requis pour la relance du service aérien.

En 2007, ACE a ainsi vendu sa division de services techniques ACTS à un groupe d'investisseurs qui se proposaient de la faire croître en diversifiant sa clientèle. Mais déjà en 2010, les actionnaires initiaux d'Aveos baissaient les bras et radiaient leur investissement de 800 millions. Air Canada, qui ne voulait pas être prise au dépourvu, a aidé Aveos à se recapitaliser et lui a accordé ses contrats de maintenance à long terme à des tarifs qui auraient dû lui assurer une stabilité financière. Malheureusement, Aveos n'a pas réussi à fonctionner de façon rentable et à élargir suffisamment sa clientèle, et elle a fermé abruptement ses portes le 19 mars dernier, laissant derrière elle 2600 employés sans emploi, principalement à Montréal. Il serait inexact d'affirmer qu'Air Canada a précipité la chute d'Aveos, bien au contraire.

Depuis la fermeture d'Aveos, Air Canada a confié l'entretien de certains de ses appareils à différentes entreprises. Elle privilégie, dans la mesure du possible, celles oeuvrant au Québec et répondant à ses standards, permettant à certains ex-employés d'Aveos de se trouver un emploi. Mais le gros du bassin de talent demeure en disponibilité et il y a là une opportunité pour Montréal et le Québec.

Un marché de la maintenance des aéronefs existe en Amérique du Nord, bien au-delà des simples besoins d'Air Canada. Des études récentes démontrent qu'il existe une pénurie de centres d'entretien pour gros porteurs en Amérique du Nord et que plus de 25% du travail doit être effectué en Asie.

Si nous possédons toute la main-d'oeuvre nécessaire ici même, un défi demeure toutefois: la modernisation des équipements et outils nécessaires à l'entretien des appareils modernes. Les nouvelles techniques largement dépendantes de logiciels sophistiqués et de supports informatiques avancés permettent un gain de productivité important. Combinés à une équipe de gestionnaires chevronnés, ces nouvelles techniques pourraient contribuer à l'essor d'une industrie plus prospère et plus concurrentielle.

Il n'est plus possible de compter uniquement sur Air Canada qui, comme bien d'autres lignes aériennes, ne conçoit plus son rôle d'exploiter de telles installations, sans parler des ressources financières requises. Il faut voir plus loin.

Un débat devant les tribunaux ne me semble pas constructif et ne ramènera pas les emplois perdus - au pire, il aura peut-être comme conséquence d'éloigner des investisseurs potentiels.

Nos énergies et nos efforts doivent plutôt se concentrer sur la recherche d'investisseurs qui contribueront à la poursuite du développement et de la croissance de cette industrie, qui a le potentiel d'être un maillon important de la grappe aéronautique de Montréal. Le temps presse!