Depuis quelque temps, les appels à restreindre le nombre d'immigrants admis annuellement au Québec au nom de la protection du fait français se sont intensifiés. Ces appels se fondent dans la croyance que la langue française serait menacée. Pourtant, rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité.

En regardant les données des différents recensements compilées par Statistique Canada ainsi que celles de l'Office québécois de la langue française, on peut voir que la connaissance du français chez les allophones est passée de 68,6% à 75,3% de 1991 à 2006. Au cours de la même période, leur connaissance de l'anglais s'est maintenue à 67,5%. On observe la même tendance du côté des anglophones, dont la connaissance du français s'est hissée de 60,7% à 70,3%.

Par ailleurs, lorsque les immigrants allophones décident d'abandonner leur langue maternelle comme langue d'usage, c'est majoritairement au profit du français qu'ils le font. Chez les immigrants arrivés entre 2001 et 2006, les trois quarts d'entre eux choisissent le français lorsqu'ils abandonnent leur langue maternelle. Ceci explique pourquoi Statistique Canada estime qu'en 2006, 24% des allophones du Québec utilisaient le français comme langue principale à la maison comparativement à seulement 21% pour l'anglais.

En outre, lorsqu'ils ont le droit pour la première fois de choisir leur langue d'enseignement au niveau collégial, les jeunes allophones choisissent majoritairement le français. Selon le Conseil supérieur de la langue française, 69% d'entre eux ont choisi le français comme langue d'enseignement en 2009 alors qu'ils n'étaient que 16% à le faire en 1981.

Comment peut-on parler de crise du français au Québec alors que les allophones y sont de plus en plus nombreux à choisir le français au Québec?

En choisissant le français, les immigrants répondent notamment à de puissants incitatifs économiques. L'économie du Québec s'est très nettement francisée au cours des dernières décennies. Il suffit de considérer la proportion des entreprises détenues majoritairement par des actionnaires francophones pour le constater. En 1961, seulement 47% de l'ensemble des entreprises et 26% des entreprises du secteur financier étaient détenues majoritairement par des francophones. En 2003, ces proportions atteignaient respectivement 67% et 60%.

Cette croissance du pouvoir économique des francophones s'est traduite par une augmentation de l'attrait économique de la langue française. Conformément à ce que prédit la littérature scientifique en économie, les immigrants qui acquièrent une meilleure connaissance de la langue prédominante de leur société d'accueil augmentent considérablement leurs revenus.

Depuis 1970, ce sont les francophones - autant bilingues qu'unilingues - qui ont vu leurs revenus augmenter le plus. Les anglophones ont également vu leurs revenus augmenter, mais dans une moindre mesure que les francophones. En fait, tant chez les hommes que chez les femmes, ce sont les anglophones unilingues qui ont vu leurs revenus augmenter le moins. On ne peut donc nier l'attrait économique croissant du français. C'est cet attrait qui explique les progrès considérables du français tant auprès des allophones qu'anglophones.

Certes, il ne faut pas s'attendre à ce que les immigrants allophones arrivés au Québec à l'âge adulte abandonnent complètement leur langue maternelle pour de bon. Celle-ci fait partie de leur identité personnelle. Toutefois, si ceux-ci ont quitté leur société d'origine, c'est d'abord et avant pour améliorer leur sort ainsi que celui de leurs enfants. Ce sont ces meilleures perspectives économiques liées à la connaissance du français qui expliquent leur volonté d'intégration croissante à leur société d'accueil.

Il faut donc cesser les campagnes de peur liées à l'immigration. Le français n'a jamais été en aussi solide position que maintenant au Québec.