L'avenir n'est plus ce qu'il était, disait Sacha Guitry. Et il n'y a rien qui n'ait pas été dit sur la grève, les droits de scolarité, la corruption des gouvernements Charest, les casseurs, et la sangria avec des iPod. C'est de bonne guerre, qu'est-ce qui ne l'est pas? Une mauvaise guerre étant celle qu'on perd.

Après plus de 100 jours de conflit, on ne voit pas de sortie de crise. Les policiers ont autre chose à faire, et probablement pas le souhait de passer leur vie à taper sur la jeunesse. En revenant chez moi mercredi soir, après une journée de travail de 11 heures, j'ai entendu à ma grande joie et surprise le concert des casseroles dans Verdun. Des gens, vieux, jeunes, sans distinction ethnique, dans les rues pour taper sur une casserole, s'unir dans la joie contre le ridicule et ce qui divise, contre la gestion gouvernementale. Je n'ai jamais rien entendu d'aussi beau de toute ma vie.

Et ce fameux «printemps érable», dont la formule évoquait de la sympathie utopique, voire comique, a été légitimé par l'adoption de la loi 78, sous le bâillon, en pleine nuit. Ce texte à prétention légale n'a pas été écrit pour contrôler les étudiants, mais bien la société civile dans son ensemble. C'est odieux et antidémocratique.

Devant ce méfait, la population de Montréal, plus touchée que dans les autres villes, est sortie massivement dans les rues pour faire entendre son mécontentement, sa colère, devant tout ce fiasco libéral. C'est ça, les casseroles. On est rendu là. Jean Charest n'est pas Pinochet, mais le premier s'approche trop du deuxième pour une démocratie. La loi 78, c'est précisément ça, et ça n'a rien à voir avec l'horaire de la session d'hiver ou le trajet des manifestations. Lisez-la au complet.

Mais on cherche toujours cette sortie de crise. Les initiateurs, les jeunes, veulent la révolution, et dans une société vieillissante, c'est peu probable. Et on ne fait pas une révolution marxiste avec un PIB de 300 milliards de dollars où l'on ne crève pas de faim, loin de là. Le gouvernement ne reculera pas, il ne le peut pas. Et le peuple, devant l'amputation de ses droits, ne reculera pas. La seule sortie de crise possible, ce n'est pas la révolution, c'est la dissolution du gouvernement et l'appel à des élections générales, immédiatement.

Mercredi soir, il y a eu plus de 500 arrestations seulement à Montréal. Il ne s'agissait pas de lanceurs de roches ou de boules de billard. Non, c'est la police, qui est épuisée, se contient relativement puisqu'il n'y a pas de mort, et surtout, qui ne sait pas quoi faire. Le gouvernement, après avoir tenté de pelleter son problème politique dans les différentes sphères de l'État, et après l'échec même des injonctions, a transféré le résultat de sa politique à la police. Les jeunes matraqués, poivrés, gazés, depuis 100 jours, les images insoutenables. Les casseroles c'est pour ça, pour que cesse cette folie.

Les gens sont déterminés. Le gouvernement est également déterminé, il maintient sa ligne préélectorale malhonnête en parlant du droit d'aller à l'école comme si sa loi ne comportait que ça. C'est ça, les casseroles. Les casseroles, ce sont les mères chiliennes du temps de Pinochet, qui n'en pouvaient plus de voir les leurs torturés à mort. Charest n'est pas Pinochet, mais avec sa loi liberticide, il s'en inspire. Et le mouvement de contestation ne s'arrêtera pas.

Ceci n'est pas un appel à la désobéissance civile, c'est un appel à la dignité, à la liberté de parole, à la démocratie, parce que des citoyens libres et égaux ont le droit de sortir dans la rue pour manifester pacifiquement. Citoyens, à vos batteries de cuisine!