Avec le lancement du Plan Nord, le gouvernement du Québec, les partis politiques de la province et la société en général semblent considérer l'industrie minière comme une manne financière et le débat public s'articule autour de la question de la répartition des nouvelles richesses. Pourtant, nous devrions garder à l'esprit le fait qu'il existe une solution de rechange à ce scénario optimiste dans le cadre de laquelle le « super-cycle » des matières premières touche à sa fin et la manne disparaît. Voilà pourquoi les politiciens québécois devraient repenser les hypothèses sur lesquelles s'appuie leur politique minière.

L'industrialisation et l'urbanisation de la Chine ainsi que d'autres pays émergents sont à l'origine d'une forte demande pour les ressources naturelles à laquelle les fournisseurs s'efforcent de répondre. Cela a provoqué un triplement du prix des matières premières non pétrolières dans la dernière décennie et a renforcé l'opinion selon laquelle le «super-cycle» des matières premières aurait remplacé la traditionnelle volatilité des marchés.

La hausse des bénéfices des sociétés minières a suscité la convoitise des gouvernements à travers le monde qui cherchent à accroître leur part du gâteau en augmentant les impôts ou les redevances, voire même en nationalisant l'industrie.

Le Québec n'est pas étranger à cette évolution. Le Plan Nord s'appuie sur une hypothèse de prix des métaux élevés et d'une hausse des revenus et les partis politiques cèdent à la tentation du nationalisme des ressources. L'opposition officielle réclame des redevances plus élevées et le remplacement du système actuel de prélèvement des droits miniers sur les profits par une redevance prélevée sur la valeur brute produite à laquelle s'ajouterait une taxe sur les «profits excessifs». Le gouvernement libéral a de son côté présenté dans son dernier budget son projet peu judicieux de prendre des participations dans des projets miniers.

Les investissements dans le secteur minier sont très risqués. Cela prend beaucoup de temps avant que les investissements miniers ne commencent à payer car le processus d'exploration, de développement et de mise en marché d'un dépôt peut prendre jusqu'à 20 ans. C'est la raison pour laquelle les investissements ont généralement été réalisés par le secteur privé. Cette nouvelle politique d'investissements publics dans des projets privés n'est pas dans l'intérêt des Québécois, surtout si les prix des métaux commencent à diminuer.

La vague de nationalisme des ressources est fondée sur le postulat selon lequel la consommation de métaux industriels restera élevée pendant une longue période.

Mais le postulat est-il correct et le boom minier va-t-il se poursuivre ? Malheureusement, il n'existe aucune garantie que ce soit le cas.

L'industrie minière a toujours été soumise à de fortes variations dans le prix des matières premières et l'expérience nous enseigne que le boom actuel pourrait très bien s'estomper à l'avenir. Une étude récente de Crédit Suisse se demande même si le « super-cycle » des matières premières n'est pas arrivé à son terme. Pourquoi?

Le «super-cycle» s'appuie presque exclusivement sur la demande chinoise, la Chine étant le plus grand consommateur de l'ensemble des métaux. La part de la Chine dans la consommation mondiale en 2011 était de 38,6% pour le cuivre, 36,7% pour le nickel, 41,4% pour le zinc et 43,7% pour l'aluminium. Or la Chine s'apprête à rentrer dans une phase de transition entre un modèle de croissance à forte intensité en matières premières fondé sur des investissements dans les infrastructures et les exportations à un modèle fondé sur la consommation intérieure rendue possible grâce à une industrie compétitive qui produit de la valeur ajoutée et les services. Dans ce nouveau modèle, la croissance économique ralentira et la consommation de métaux baissera. Il y a bien évidemment beaucoup d'incertitude en ce qui concerne l'évolution de l'économie chinoise. Mais, si les Chinois parviennent à transformer leur économie, cela pourrait avoir une influence sur le prix mondial des métaux et cela pourrait même, sur le long terme, mettre un terme au «super-cycle» des ressources naturelles.

Le déséquilibre entre l'offre et la demande a jusqu'à présent joué en faveur des fournisseurs de métaux, mais que se passera-t-il si la demande diminue et si la capacité de production minière mondiale est beaucoup plus élevée qu'elle ne l'est aujourd'hui dans les 20 prochaines années?

Les métaux ne sont pas une source inépuisable de revenus. Les Québécois doivent prendre conscience du fait que les métaux ne sont pas comme le pétrole, leurs prix ne sont pas fixés par un cartel, mais reflètent l'offre et la demande mondiales. Le prix ​​des matières premières non pétrolières a traditionnellement beaucoup fluctué et, même si le récent «super-cycle» a été une exception notable, le retour à la normale pourrait très bien réémerger.

Dans ce contexte de forte incertitude, la tentation d'augmenter la part de l'État québécois dans la répartition des profits miniers peut se révéler dangereuse pour l'avenir de l'industrie minière de la province.