Mes collègues professeurs-chercheurs des universités québécoises sont probablement perplexes à la suite des dernières propositions étudiantes touchant la recherche universitaire.

Entre autres, la CLASSE suggère de rediriger des sommes importantes, actuellement affectées à la recherche, vers l'enseignement. Ceci est tout simplement impossible. En effet, la grande majorité des fonds de recherche disponibles dans nos universités, et celles du reste du Canada, sont obtenus directement par les chercheurs suite à des concours, la plupart très compétitifs, associés à des projets précis. Ces montants sont octroyés pour faire la recherche proposée et ne peuvent absolument pas être détournés vers d'autres activités, y compris l'enseignement.

Et même si c'était possible, ces sommes servent principalement à payer le salaire du personnel à l'oeuvre sur ces projets de recherche, la plupart étant des étudiants aux cycles supérieurs. L'idée de rediriger ces fonds vers d'autres activités est désavantageuse pour les étudiants, qui perdraient une part du soutien financier dont ils jouissent actuellement.

À propos des méfaits la recherche dite «commercialisable», certaines sciences étant plus appliquées que d'autres, comme le génie ou la médecine, par exemple, il est raisonnable de s'attendre à ce que certains travaux de recherche donnent lieu à l'amélioration ou la création de nouveaux produits, systèmes ou procédés offrant un potentiel de commercialisation. Une vaste majorité de nos technologies modernes, de Google au cellulaire à l'avion réacté à la trithérapie contre le SIDA, sont en effet issues de travaux de recherche universitaires et on ne saurait contester leur importance et leur utilité.

Au sujet des universités qui servent de «sous-traitants aux entreprises pour effectuer de la recherche et du développement», il existe des entreprises, québécoises et d'ailleurs, qui n'ont pas les capacités pour faire la R et D par elles-mêmes ou bien qui désirent s'adjoindre l'expertise unique d'une équipe de recherche universitaire. Ce type de projet de recherche, fondamental ou appliqué, peut offrir de multiples bénéfices, le premier étant d'offrir une expérience de formation complémentaire au milieu purement académique, permettant de bonifier la formation des étudiants.  En plus, ceci assure la compétitivité des entreprises québécoises, qui en ont bien grand besoin en cette ère de globalisation. Vouloir éliminer ces activités avec le prétexte de prioriser la formation est donc plutôt contradictoire. Et je n'ai aucun collègue qui sent sa liberté académique touchée par sa participation dans ce type de projet, sinon il ou elle n'y participerait tout simplement pas.

Finalement, à propos des universités qui «donnent» des brevets, en tant qu'inventeur universitaire, je peux vous dire qu'il n'y a pas de négociations plus âpres que celles avec les partenaires qui veulent commercialiser la propriété intellectuelle créée à l'université ! Dans un premier temps, nos universités ont des politiques internes qui assurent aux inventeurs, y compris les étudiants, un partage équitable de la propriété intellectuelle dès sa création. Ensuite, toute exploitation commerciale de cette propriété intellectuelle fait l'objet d'un contrat en bonne et due forme entre le partenaire et l'université. Même en cas de cession, l'université se réserve le droit d'utiliser cette propriété intellectuelle à des fins non commerciales pour ses activités d'enseignement et de recherche.

Il n'y a donc pas d'actuel «danger d'avoir des entreprises qui vont payer des étudiants à la maîtrise et au doctorat pour faire en sorte que les brevets ne soient utilisables que par elles». Si les inventeurs sont consentants à se faire payer un prix librement négocié pour vendre leurs inventions, comme c'est le cas actuellement, il s'agit donc d'une transaction acceptable.

Autant dire que ce n'est pas à partir de ces propositions que nous sommes près d'assurer la gratuité scolaire ou même un gel des droits de scolarité.