Travaillant dans un édifice adjacent à celui de la Caisse de dépôt, j'étais aux premières loges le 20 avril pour assister à la confrontation entre la police de Montréal et la foule s'opposant à la hausse des droits de scolarité. Dans les moments les plus intenses, il a fallu que je me rappelle que j'étais bien au Québec et que l'enjeu était de quelques centaines de dollars par année!

Après dix semaines, il s'est dit suffisamment de choses de part et d'autres pour que l'on comprenne que le conflit initial est maintenant devenu une guerre à finir entre un gouvernement qui ne peut se permettre de reculer une fois de plus, et les leaders étudiants qui, pour certains, se sont fait prendre à leur propre jeu, et pour d'autres, vivent le plus grand « power trip » de leur vie.

Sur le fond, je suis en accord avec la hausse.  Le gel des tarifs, qu'il s'agisse d'électricité ou de droits de scolarité, engendre un déséquilibre entre la valeur réelle et le prix des services.   Dans presque tous les cas, il faut corriger le tir au bout d'un moment.  C'est presque inévitable lorsque, comme c'est le cas au Québec, la pyramide démographique est inversée et que la marge de manoeuvre du gouvernement diminue à vue d'oeil.

Par ailleurs,  je n'ai rien lu ni entendu de très convaincant sur l'effet supposément dévastateur de la hausse des droits de scolarité sur l'accessibilité aux études supérieures. On peut se gargariser de tous les idéaux sociaux,  comme celui de la gratuité scolaire et du « droit » à l'éducation, il n'en demeure pas moins que dans le monde réel, nous payons et continuerons de payer moins cher que presque partout ailleurs en Amérique (d'ailleurs j'en ai un peu marre qu'on nous serve la Norvège et la Suède à toutes les sauces; ils ont des problèmes comme tout le monde!).

Je ressens comme un vertige face aux proportions qu'a prises cette crise. Sans doute a-t-elle  été amplifiée par l'utilisation des médias sociaux et l'insatiabilité des réseaux de nouvelles en continue, mais je considère que les acteurs principaux se partagent largement la responsabilité de ce dérapage.  



Le gouvernement Charest. Ce n'est pas du cynisme que de penser que la stratégie du gouvernement relève autant du calcul politique que de l'équité économique.  Sauf qu'au bout d'un moment, le laisser-faire peut devenir de la négligence.   



Les associations étudiantes. Comme plusieurs l'ont déjà souligné, il apparaît évident que l'agenda de la CLASSE déborde largement du gel des droits de scolarité et que la FEUQ et la FECQ se sont fait piégés.  C'est encore plus flagrant lorsque l'on écoute Gabriel Nadeau-Dubois -- dont le mandat à géométrie variable défit la logique -- décrire la jeunesse québécoise d'opprimée, et l'establishment, qu'il soit des milieux politiques ou d'affaires, d'élite gloutonne, vulgaire et corrompue (sic).  M. Nadeau-Dubois a des aspirations de libérateur d'une génération et en appelle à rien de moins qu'à la résistance, à la désobéissance et à la révolte.  Il est utile de se rappeler qu'il n'a que 21 ans lorsqu'il superpose son combat aux autres qui ont marqué l'histoire du Québec.  C'est presque risible lorsqu'il cite Gaston Miron et qu'il se voit -- lui et qui voudra le suivre-- en « bêtes féroces de l'espoir »!  Au moins, il lit Gaston Miron...

L'opposition officielle. Il est évidemment du propre d'une opposition qui se respecte de saisir toutes les opportunités de récupération. C'est encore plus vrai pour le Parti québécois qui, comme les libéraux, cherche une bougie d'allumage.  Sauf que, dans ce cas-ci, plutôt que d'encore clamer l'ineptie de M. Charest, Mme Marois a raté une belle occasion de faire front commun avec M. Legault et le gouvernement pour dénoncer le consentement tacite (voir le support) de la CLASSE face aux actes de violence d'un groupe de casseurs dopés à l'adrénaline et la testostérone.   En jouant sur les mots et en faisant le « moonwalk » (lire en faisant semblant d'aller quelque part tout en restant sur place), Mme Marois n'aide en rien la situation. Son appel au moratoire de la hausse des droits de scolarité, on l'aura deviné, est aussi électoral que bienveillant.

Un beau gâchis, quoi!