L'amélioration de la conjoncture économique depuis quelques mois, particulièrement sur le front de l'emploi, et un Parti républicain pris en otage par les excès de sa campagne au leadership-notamment la « guerre contre les femmes »- ont permis au président Barack Obama de se retrouver dans une position relativement favorable en vue de l'élection présidentielle de novembre.

Les jeux sont cependant loin d'être faits. Outre une rechute de l'économie, qui pourrait venir d'une nouvelle détérioration de la zone euro, le président apparaît particulièrement vulnérable à un éclatement de la crise iranienne, qui viendrait assurément brouiller les cartes, tout en assurant la poursuite à la hausse du prix de l'essence, qui alimente déjà la grogne du consommateur américain.

Soyons clairs. Même s'il est probable que l'Iran cherche à se munir d'une bombe nucléaire, ou au moins à maîtriser toutes les technologies nécessaires à l'obtention rapide d'une force de frappe plus importante, et même si la communauté internationale est virtuellement unanime dans son opposition, seuls les Israéliens et les républicains seraient prêts à recourir à la force pour l'en empêcher.

Malgré  des sanctions agressives et une volonté manifeste de faire plier l'Iran, le gouvernement Obama et ses alliés européens sont convaincus qu'une frappe ne ferait que retarder l'obtention de la bombe nucléaire, déstabiliserait le Moyen-Orient à court et long terme, provoquerait un important ressac anti-occidental dans la région, affaiblirait le mouvement pour la démocratie en Iran, et que la hausse du prix du pétrole minerait la reprise mondiale.

Israël et l'Iran sont parfaitement conscients des divisions chez les Américains, et adaptent leurs stratégies en conséquence. Dans le but d'éviter une frappe unilatérale israélienne à court terme, l'Iran a fait preuve d'une « nouvelle ouverture » dans le cadre de négociations avec les puissances européennes et les États-Unis à Istanbul la semaine dernière.  Celles-ci se poursuivront sans doute à la rencontre de Bagdad le mois prochain. Parions que l'Iran et les États-Unis sont prêts à faire du chemin ensemble dans les prochains mois pour tenter d'éviter et de discréditer l'option militaire avant l'élection présidentielle.

Israël, par contre, se retrouve face à un dilemme particulièrement difficile. La bombe iranienne est perçue comme une menace existentielle qui ne peut être tolérée, et les pourparlers en cours  sont considérés comme une diversion de la part des Iraniens, qui cherchent à protéger leurs installations nucléaires d'une frappe éventuelle. Les Israéliens sont d'ailleurs convaincus que la fenêtre se referme rapidement pour conduire une frappe efficace contre le programme iranien. Pour des raisons militaires et géopolitiques, le scénario idéal pour Israël serait sans aucun doute l'élection de Mitt Romney en novembre, suivie d'une intervention militaire américaine au début de 2013. La réélection d'Obama verrait par ailleurs le président américain mettre tous les moyens à sa disposition pour « convaincre » Israël de renoncer à une action militaire.

La tentation sera donc forte pour Israël de déclencher les hostilités dès cet automne, surtout si les sondages laissent présager le retour d'Obama à la Maison-Blanche. On saura à ce moment si l'embargo international sur l'achat de pétrole iranien, qui doit entrer en vigueur le 1er juillet sous la pression des Européens et des Américains, aura atteint ses objectifs, ce qui paraît tout à fait improbable étant donné l'opposition de la plupart des pays asiatiques, qui consomment 70% du brut iranien.

Dans l'hypothèse d'une frappe israélienne, les États-Unis n'auront d'autre choix que d'intervenir, à tout le moins pour protéger ses intérêts économiques et ses bases militaires contre des représailles iraniennes, et pour tenter d'assurer le maintien de la production et des exportations pétrolières.

Dans la dynamique d'une campagne électorale, alors que la population américaine est profondément divisé sur le bien-fondé d'une frappe,  alors que les républicains accusent déjà le président d'être trop tiède dans son appui à l'allié israélien, et face à la flambée des prix du pétrole et de l'essence, la marge de manoeuvre d'Obama sera mince, pour ne pas dire inexistante.

L'automne s'annonce chaud dans le dossier iranien, et la partie de poker en cours pourrait avoir une influence capitale sur l'élection présidentielle américaine.