La Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) a fait de la création d'une commission indépendante sur la gestion des universités une condition de la reprise des pourparlers dans la grève qui oppose les étudiants au gouvernement de Jean Charest.

On évoque l'îlot Voyageur à l'UQAM, le projet d'Outremont de l'Université de Montréal et les errements de la haute administration à Concordia comme autant de cas justifiant la création d'un organisme de surveillance externe.

Avec une commission indépendante, la FEUQ pense réaliser des économies qui pourraient amortir le dégel des droits de scolarité. Les étudiants paieront peut-être le gros de la note, mais l'administration universitaire ne s'en sortira pas indemne non plus. Par la création d'une commission indépendante, les intérêts des fédérations étudiantes et d'autres organisations seront dorénavant institutionnalisés dans le processus de contrôle des administrations universitaires.

La recherche en administration publique montre clairement qu'en réaction à la création d'une commission comme celle proposée par la FEUQ, les organisations soumises à des formes de contrôle externe deviennent en général plus centralisées et bureaucratiques sur le plan de la gestion. Elles se replient sur elles-mêmes et deviennent moins transparentes. Elles deviennent aussi plus stratégiques dans leur utilisation de l'information. En bref, les contrôles externes bureaucratisent les organisations soumises à leur influence.

La création d'une commission indépendante modifierait en profondeur le fonctionnement interne de l'institution universitaire. C'est peut-être l'objectif recherché, mais qu'on prenne au moins acte des effets à long terme d'un geste qui semble surtout être motivé par des intérêts stratégiques à court terme.

Les universités sont parmi les organisations les plus démocratiques de notre société. Les équilibres disciplinaires et intellectuels y sont multiples et fragiles. Sur le plan de sa gestion et de son organisation, l'université est plus collégiale que hiérarchique. Les étudiants sont impliqués à tous les niveaux de la vie universitaire, et il est souhaitable qu'il en soit ainsi. Dans chaque département, les associations étudiantes sont des partenaires essentiels dans la résolution des problèmes. Leur dévouement et leur travail favorisent la transparence et la reddition de comptes. Il en est de même pour les professeurs, les syndicats et autres organisations qui participent à la démocratie universitaire.

L'université est un lieu de pluralisme et de débats. Chaque groupe peut librement s'exprimer et questionner les autres. C'est pour cette raison que des scandales comme ceux de l'îlot Voyageur ou du couvent des soeurs à Outremont ont rapidement été mis à jour. Au gouvernement, dans les banques et la grande entreprise privée, la gestion est beaucoup plus opaque et moins participative.

Bien sûr, l'université n'est pas à l'abri des corporatismes. Mais la collusion des intérêts est moins susceptible de se produire dans un cadre institutionnel décentralisé où chaque groupe ou composante constitue un contrepoids au pouvoir des autres.

Une commission indépendante comme celle souhaitée par la FEUQ viendrait centraliser la gestion universitaire. L'effet probable de cette réforme serait une réduction de l'autonomie de l'université et de ses diverses composantes, dont les associations locales d'étudiants au nom de qui la FEUQ prend position.

En bout de piste, la véritable question est la suivante: comment un organisme greffé à l'université de l'extérieur par le gouvernement pourrait-il détecter plus efficacement les cas de mauvaise administration que tous les contrepoids internes à l'institution?