À quelques mois des élections présidentielles américaines, avec l'assurance de Mitt Romney de remporter la candidature républicaine, la réélection du Président Obama devient l'enjeu politique majeur. Dans un contexte économique et géopolitique difficile, sa réélection est loin d'être assurée.

Néanmoins, la question se pose: les républicains ont-ils fait un mauvais choix? L'ultraconservateur Rick Santorum a effrayé l'establishment par ses positions trop moralisantes. Le pragmatique, calculateur mais incertain Mitt Romney semble davantage compatible, voire confortable, avec les lobbyistes de Washington. Résultat net, il va remporter l'investiture. Mais pourra-t-il supplanter Obama?

L'enjeu moral risque fort de venir hanter à nouveau les républicains dits pragmatiques et pro-Bush. Santorum, aligné sur les positions du Vatican, aurait assuré le Parti républicain du vote catholique, baptiste, évangélique et protestant en général, voire même le vote de la communauté juive et des musulmans. Sur les grandes questions morales, ces divers courants religieux se reconnaissent mutuellement comme des églises crédibles avec une histoire et une pensée théologique authentique quoique fort différentes, souvent opposées, mais que les historiens reconnaissent comme un continuum de l'expérience humaine.

Cependant, tous ces croyants américains vont-ils accorder leur vote à un candidat mormon? Pour un croyant « authentique », une lecture sommaire du Livre de Mormon laisse sceptique : c'est un ouvrage décousu et peu convainquant. Il pourrait s'agir d'une pure invention ou de sornettes qu'on ne serait pas surpris. Les sources du Livre sont mystérieuses. Quant à son interprétation, c'est l'affaire des anciens de la communauté. Le Livre de Mormon laisse sceptique celles et ceux qui ont approfondi leur foi dans la Bible et dans la lecture des théologiens protestants ou des pères de l'Église. Pour cette raison, les croyants américains ne pourront donner leur appui à un candidat qui est membre de ce qui est considéré comme une secte.

Tout au contraire, le Président Obama appartient à cette génération d'afro-Américains pour qui la lecture de la Bible, à l'instar de Bush fils « New Born Christian », se fait au quotidien et constitue une incontestable source d'inspiration personnelle, pour lui et pour sa famille. Chez nos voisins du Sud, on ne lésine pas avec la foi.

Les républicains américains ont donc le choix entre accorder leur confiance à un candidat issu d'une secte, ou se conforter en appuyant un Président sortant qui s'en remet comme eux à la Bible. Le dilemme est d'autant plus déchirant que les tendances néolibérales du Président Obama déplaisent souverainement aux croyants républicains. Tout compte fait, je crois que les électeurs républicains vont choisir un néolibéral qui est aussi, comme eux, un lecteur assidu de la Bible.